Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/906

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à préparer les élémens d’un ordre plus élevé, plus moral et aussi plus durable. Or, c’est à quoi tendent MM. Mon et Pidal par leurs mesures, en cherchant à constituer l’administration à tous les degrés de la hiérarchie, en essayant de mettre la régularité là où il n’y avait qu’anarchie et confusion. Que ces mesures blessent quelques intérêts, il n’y a rien de bien étonnant ; mais ce qu’il faudrait déplorer, c’est que, pour quelques critiques partielles et après tout légères, une œuvre si sérieuse et si importante pour l’Espagne fût suspendue. Chose singulière, on se plaint de la répression, quelquefois exagérée en effet, employée par le cabinet espagnol, et on poursuit de reproches en même temps les efforts les plus laborieux qui aient été faits depuis dix ans pour donner au pays une organisation légale, c’est-à-dire le seul régime qui puisse dispenser des expédieras de la force, et, au besoin même, être un obstacle aux entreprises de l’esprit militaire.

Du reste, à mesure qu’on approche de l’ouverture des cortès, l’opposition semble moins ardente de la part de quelques anciens amis du ministère, devenus ses adversaires ; d’un autre côté, les élections partielles des députés sont favorables au gouvernement. Quoi qu’il en soit, il est une chose que ne doivent oublier ni les divers membres du cabinet dans leurs débats intérieurs, ni la fraction opposante du parti modéré : c’est que l’expérience qui se fait aujourd’hui est décisive pour les idées constitutionnelles en Espagne, et que les partis extrêmes seuls triompheront des divisions qui pourraient survenir.

L’Italie jouit d’un spectacle nouveau pour elle ; elle possède le tzar, et le pape va recevoir dans Rome le chef de la religion grecque. L’empereur Nicolas a été précédé, dans la capitale du monde catholique, par une pauvre religieuse qui venait y chercher un refuge contre d’atroces persécutions. On en connaît le récit, qui a ému l’Europe. Des religieuses polonaises ont subi des violences, des tortures qui semblaient ne plus être de notre âge. Quel était leur crime ? Elles voulaient rester fidèles à la foi catholique. Qui les a poursuivies avec tant d’acharnement ? Un archevêque qui n’a pu les entraîner dans son apostasie, et dont le gouvernement russe a approuvé toutes les fureurs. En écoutant la supérieure, par l’intermédiaire d’un interprète, le pape a versé des larmes, et son effroi a été au comble lorsqu’il a appris que, par une apostille signée de sa main, l’empereur avait sanctionné tout ce qu’avait fait et tout ce que pouvait faire l’apostat Siemasko. Quand la religieuse a offert au souverain pontife d’être confrontée, en sa présence, avec l’empereur, le pape s’est écrié avec épouvante : « Oh ! non, pas dans mon cabinet ! » L’animation contre le tzar était grande, et si, au milieu de l’indignation populaire, l’empereur Nicolas eût tout à coup paru à Rome, on aurait eu fort à faire pour contenir les Transtéverins. Il n’y a point là de passion politique ; il s’agit des droits de l’humanité et de ceux de la religion. L’empereur Nicolas aime à parcourir l’Europe : il ne faut pas s’en plaindre ; il est impossible que les sentimens des populations n’arrivent pas jusqu’à lui,