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même à travers la rapidité de ses courses et l’entourage des courtisans qu’il emmène avec lui, et de ceux qu’il trouve sur sa route. On dit, au surplus, que le tzar n’a pas toujours rencontré sur son passage des applaudissemens et des succès. En Sicile, il a été reçu froidement par la haute société.

Cependant les impressions les plus fortes finissent par s’effacer. Dans les premiers momens, le pape avait déclaré qu’il ne voulait pas voir l’empereur ; mais la politique des cardinaux qui le conseillent l’a rappelé à plus de prudence. On a représenté au pape que le tzar n’était pas seulement le chef d’une église schismatique ; il a un autre caractère : c’est un souverain temporel qu’il faut recevoir avec les honneurs qui lui sont dus. On a aussi commencé à jeter des doutes sur la vérité du récit de l’abbesse polonaise : on s’est demandé s’il fallait ajouter une foi entière à des allégations aussi injurieuses pour un illustre souverain. C’est ainsi qu’une sorte de réaction s’est opérée peu à peu, et si, à Rome, l’empereur se montre habile et généreux, l’infortunée religieuse pourra bien à la fin être accusée d’imposture. Nous ne sommes plus au temps où, devant le pape représentant Dieu sur la terre, le roi et les opprimés les plus humbles étaient égaux.

Faut-il s’attendre, en Italie, à de nouveaux troubles ? Les légations sont encore fort agitées ; nous retrouvons le même spectacle qui nous a tant de fois affligés dans la péninsule. Après une tentative d’insurrection viennent les mesures réactionnaires, qui, à leur tour, provoquent de nouvelles révoltes. Rien de plus impitoyable que les gouvernemens faibles, et les gens qu’on a fait trembler ne pardonnent pas ; aussi le saint-siège ne connaît pas d’autres moyens d’administration que la rigueur. Le pape est dans l’impuissance de gouverner les légations, et cependant on ne voit pas comment on pourrait les lui ôter. On est toujours en face des mêmes difficultés pour arriver à la sécularisation de l’administration romaine. Si Rome retire à ses prêtres les places administratives qu’ils occupent, comment les fera-t-elle vivre ? Elle ne reçoit plus de tribut des différens états catholiques de l’Europe, et elle ne peut nourrir son clergé qu’en l’appelant aux emplois du gouvernement temporel.

Dans la politique italienne, c’est la Toscane qui joue en ce moment le principal rôle. La conduite du prince qui règne à Florence a été aussi noble qu’habile, et lui a valu une juste reconnaissance. Les insurgés qui s’étaient réfugiés sur le territoire de la Toscane ne se sont livrés aux troupes du grand-duc qu’en vertu d’une convention par laquelle on leur garantissait leur passage en France. Le grand-duc a ainsi rendu au pape un véritable service, car, par cette convention, il l’a débarrassé de quelques centaines d’hommes résolus et désespérés qui auraient pu prolonger long-temps encore l’agitation dans la Romagne. Cependant cette conduite a attiré au grand-duc, de la part des cours de Rome et d’Autriche, des protestations qui ressemblaient presque à des menaces. Léopold II a écrit à son cousin l’empereur d’Autriche, pour se plaindre du langage que le cabinet de Vienne dictait à son