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lui comme devant le Dieu créateur de qui tous les êtres tiennent la vie. Il menait cette existence de faste et d’enivrement jusqu’à ce qu’on ne fût plus qu’à un mois du jour fatal. À ce moment, on lui amenait quatre vierges d’une rare beauté qui, une fois à lui, n’étaient plus désignées que par les noms des quatre principales déesses. Il passait ainsi son dernier mois dans le plaisir, menant avec lui ses célestes épouses dans de somptueux banquets chez les premiers personnages de l’état, qui se disputaient l’honneur de l’avoir et de lui rendre les hommages dus au dieu lui-même.

Cependant le jour du sacrifice arrivait ; l’appareil des délices s’évanouissait subitement autour de lui. Il disait adieu à ses belles compagnes, et une des barques d’apparat de l’empereur le conduisait sur la rive du lac, à une lieue de la ville, au pied de la pyramide consacrée au dieu. La population de la capitale et des environs était rangée tout autour. Il gravissait lentement en tournant, selon l’usage, les cinq étages du teocalli, et faisait des stations à chacune desquelles il se dépouillait de quelqu’un de ses brillans insignes, jetait quelques-unes des fleurs dont sa personne était ornée, ou brisait l’un des instrumens sur lesquels il avait fait entendre ses accords. Au sommet de la pyramide, il était reçu par six prêtres, tous, un excepté, vêtus de noir, avec leurs longs cheveux épars. Le sacrifice était consommé, et le cœur de la victime, présenté d’abord au soleil, était mis aux pieds de la statue du dieu. Puis, les prêtres s’adressant à la foule, tiraient de ce mythe ensanglanté de solennels enseignemens, disant que telle était l’image de la destinée de l’homme, auquel tout semble sourire au début de la vie, et qui souvent termine sa carrière dans le deuil ou par un désastre, et avertissant que la prospérité la plus éclatante touche à la plus sombre adversité.


IX – DES PRÊTRES DE CES PEUPLES

Après ces détails sur les sacrifices humains, on comprendra mieux la position des prêtres dans la société mexicaine, de quel crédit et de quelle autorité ils jouissaient. Lorsque les dieux réclament de pareils honneurs, on conçoit combien leurs ministres, organes de leurs volontés et intermédiaires entre le ciel et la terre, doivent être craints et obéis.

Le clergé mexicain formait dans l’état un ordre nombreux, riche, puissant, nombreux à ce degré, que le grand temple de Mexico, qui réunissait, il est vrai, le culte de plusieurs dieux, et où Cortez trouva