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Selon toute apparence, il convient de rapporter aux Toltèques la plupart des arts utiles et des connaissances qui distinguaient les Aztèques eux-mêmes.

On peut penser que l’Asie, mère commune de toutes les civilisations de l’ancien-monde, avait contribué pour une part à fournir les élémens de la sociabilité mexicaine, ou du moins apporté un contingent aux idées religieuses et aux sciences des nations d’Anahuac. Des traditions, qui, par plusieurs côtés, ainsi qu’on l’a vu, se rapprochent de nos croyances bibliques, sembleraient leur être arrivées par là. Le fait est que la communication de l’Asie à l’Amérique, par le nord-ouest de celle-ci, est très facile. Le détroit de Behring, qui sépare les deux continens vers le 66° de latitude, n’a que cent kilomètres de large, et encore au milieu du canal trouve-t-on quelques îles qui peuvent servir de station intermédiaire[1]. Sans remonter tout-à-fait à ces latitudes septentrionales, où l’Asie n’a jamais offert que des régions glacées et des tribus barbares, il est aisé de passer en canot, du Kamtchatka ou même du Japon par les îles Kouriles, aux rivages américains, en allant d’île en île dans l’archipel allongé des Aleütiennes, de manière à ne jamais rester plus de quarante-huit heures d’une fois sur l’Océan. On peut encore remarquer qu’une chaîne d’îles d’une immense longueur s’étend, sans interruption considérable, des parages de la Chine, sinon de beaucoup plus loin, à l’Amérique, car si les Aleütiennes se développent du Kamtchatka au nouveau continent, de la Chine au Kamtchatka on trouve premièrement Formose, puis le chapelet des îles Lieou-Kieou, le groupe plus massif du Japon, et enfin les Kouriles. Alors que le céleste empire, ayant plus de sève qu’aujourd’hui, éprouvait le besoin de, s’épandre, tandis qu’actuellement toute sa prétention serait de se refermer sur lui-même, l’esprit de commerce et la propagande religieuse ont poussé les hommes à suivre cette immense chaussée de plus de 5,000 kilomètres de long, tantôt sous-marine, tantôt apparaissant

  1. Quelquefois, selon M. de Humboldt, les Tchouktches d’Asie, malgré leur haine invétérée contre les Esquimaux du golfe de Kotzebue, passent par là aux côtes américaines. Ainsi, ces sauvages auront été les premiers de l’ancien continent, selon toute apparence, à visiter le nouveau ; mais ils y allèrent sans rien voir, rien apprendre, ni rien rapporter, et ils ne purent s’y étendre au loin, car rien ne les y engageait.