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au-dessus de la surface des eaux, en archipels allongés, qui relie les plus belles régions de l’Asie au Nouveau-Monde. Deux cents ans avant notre ère, les annales chinoises mentionnent l’expédition mystique de Thsin-Chi-Houang-Ti, qui parcourut ces mers orientales « pour chercher un remède qui procure l’immortalité de l’ame. » Ces nations commerçantes, alors voyageuses, possédaient très anciennement la boussole pour se guider. On serait donc fondé à présumer, sauf vérification historique et archéologique, qu’elles ont découvert le nouveau continent. Pour des peuples civilisés et puissans, qu’était-ce en effet que le voyage d’Amérique, en comparaison des pérégrinations que des sauvages ont pu accomplir dans le même grand Océan, sur des distances de plus de 2,000 kilomètres, de Taïti, par exemple, à la Nouvelle-Zélande, ainsi que c’est bien constaté par l’analogie des idiomes et des coutumes ?

Les rapports anatomiques entre les Asiatiques de l’Orient le plus reculé et les indigènes de l’Amérique sont si nombreux, que M. de Humboldt a pu s’expliquer en ces termes : « On ne peut se refuser d’admettre que l’espèce humaine n’offre pas de races plus voisines que le sont celles des Américains, des Mongols, des Mantchoux et des Malais. » Cependant cet argument est loin de suffire à établir que les habitans de l’Amérique soient venus de l’Asie. La science ne contredit point la tradition biblique de l’unité de l’espèce humaine, et du moment que l’on croit à cette unité, il est tout simple d’admettre que la proximité des lieux, proximité extrême ici, on vient de le voir, entraîne celle des conformations, comme elle a causé celle des plantes qu’offrent les deux continens tant qu’ils s’avoisinent, soit par le Groënland, soit par le Kamtchatka ; mais on reconnaît dans les notions scientifiques des Mexicains quelques points de conformité avec la science asiatique, qui forcent d’admettre certain contact entre les hommes des deux continens. J’en citerai un exemple, le plus frappant de tous :

Les Aztèques distinguaient les jours successifs dans leur calendrier par des signes représentant certains animaux. Les peuples d’origine mongole désignent de même par des figures d’animaux les douze signes du zodiaque. Sur les douze bêtes adoptées par les Orientaux, quatre existent au Mexique[1] ; on les retrouve dans le calendrier mexicain. Trois autres qu’offre l’Asie manquaient à l’Anahuac, mais y avaient des analogues assez voisins[2] ; c’est par ces analogues que les

  1. Le lièvre, le serpent, le singe, le chien.
  2. Chez les Mongols, ce sont : le léopard, le crocodile, la poule, remplacés sur le calendrier mexicain par l’ocelotl (quadrupède féroce, semblable au jaguar, mais plus petit), le lézard, l’aigle.