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« La raison et la révélation, dit-il[1], sont deux émanations du même Père des lumières, duquel émane tout don parfait ; deux paroles prononcées par le même Dieu de vérité qui ne peut ni mentir, ni se démentir. » Nous recueillons avec une satisfaction sincère ces solennelles déclarations. Cependant il nous est impossible d’oublier entièrement que M. l’archevêque de Paris n’a pas toujours tenu le même langage ; il y a un an, à pareille époque, il adressait aux fidèles une instruction pastorale où la raison humaine était dénoncée comme radicalement stérile en matière de dogmes fondamentaux[2]. En 1843, dans un écrit sur la liberté d’enseignement, M. l’archevêque ne se montrait pas moins sévère pour la raison ; elle était à ses yeux frappée d’un caractère de variabilité et d’individualité qui la rendait incapable de fonder une loi morale. C’est là une doctrine bien connue, à laquelle reste attaché le grand nom de Pascal, que M. Lamennais a ressuscitée, il y a vingt-cinq ans, avec un éclat extraordinaire, et qui, plus ou moins tempérée par l’inconséquence ou adoucie par une honorable docilité, survit dans M. Bautain, M. Lacordaire, M. Gerbet, et domine souvent à son insu presque tout le clergé de France. M. l’archevêque de Paris, qui penchait ouvertement de ce côté dans ces dernières années, revient-il une fois pour toutes à la grande école du gallicanisme, à celle des plus beaux génies qui aient honoré l’église, Bossuet, Malebranche, Fénelon, et des plus sages esprits qui l’aient gouvernée, les Bérulle, les Gerdil, les La Luzerne, les Frayssinous, les Eymery ? Ou bien faudrait-il supposer que le nouveau clergé a deux théories à son service, l’une qu’il tient en réserve pour les jours où la philosophie est humiliée, l’autre pour ceux où elle se relève dans l’estime publique ? Il serait pénible de le croire, et toutefois on se souvient encore que dans des circonstances récentes où la philosophie était attaquée avec le dernier acharnement, où son plus illustre interprète était sous le poids de mille calomnies, M. l’archevêque de Paris crut le moment bien convenable pour adresser à la chambre des pairs une brochure violente qui avait pour but avoué de représenter la philosophie comme une école de panthéisme et de scepticisme[3]. Aujour-

  1. Introduction philosophique, p. 17.
  2. Instruction pastorale sur l’union nécessaire des dogmes et de la morale, p. 17.
  3. Dans cette même brochure, M. l’archevêque de Paris élevait une présomption de matérialisme et d’athéisme contre un des professeurs de la Faculté des Lettres, à l’aide d’une phrase étrangement mutilée et détournée de son véritable sens. M. Garnier a, du reste, répondu de la manière la plus catégorique à cette inexplicable accusation.