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voyance, Amour en son âge d’or et avant la chute pour ainsi dire, Amour avant Folie.

Mercure, au contraire, plaide les avantages et les prérogatives de Folie, cette fille de Jeunesse, et son alliance intime, naturelle et nécessaire avec Amour. Il ne voit dans cette grande querelle qui les met aux prises qu’une bouderie d’un instant. Prenez garde, dit-il en commençant, « si vous ordonnez quelque cas contre Folie, Amour en aura le premier regret. » Il entre insensiblement dans un éloge de Folie qui rappelle celui d’Érasme, et il se tire avec agrément de ce paradoxe, sans Folie, point de grandeur : « Qui fut plus fol qu’Alexandre,… et quel nom est plus célèbre entre les rois ? Quelles gens ont esté, pour un temps, en plus grande réputation que les philosophes ? Si en trouverez-vous peu qui n’ayent esté abruvés de Folie. Combien pensez-vous qu’elle ait de fois remué le cerveau de Chrysippe ? » Il poursuit de ce ton sans trop de difficulté, et de manière à frayer le chemin à Montaigne ; mais c’est quand il en vient aux charmantes analogies de Folie et d’Amour, que Mercure (et Louise Labé avec lui) retrouve son entière originalité. Il soutient plaisamment, et non sans quelque ombre de vraisemblance, que les plus folâtres sont les mieux venus auprès des dames : « Le sage sera laissé sur les livres, ou avec quelques anciennes matrones, à deviser de la dissolution des habits, des maladies qui courent, ou à démesler quelque longue généalogie. Les jeunes Dames ne cesseront qu’elles n’ayent en leur compagnie ce gay et joli cerveau. » Toutes les chimères et les fantaisies creuses dont se repaissent les amoureux au début de leur flamme sont merveilleusement touchées. Puis, à mesure que, dans cette analyse prise sur le fait, il suit plus avant les progrès de la passion, le trait devient plus profond aussi, et le ton s’élève. Il n’est pas possible, à un certain endroit, de méconnaître le rapport de la situation décrite avec ce qu’exprimeront tout à côté les sonnets de Louise « En somme, dit-elle ici par la bouche de Mercure, quand cette affection est imprimée en un cœur généreux d’une Dame, elle y est si forte, qu’à peine se peut-elle effacer ; mais le mal est que le plus souvent elles rencontrent si mal que plus aiment, et moins sont aimées. Il y aura quelqu’un qui sera bien aise leur donner martel en teste, et fera semblant d’aimer ailleurs, et n’en tiendra compte. Alors les pauvrettes entrent en estranges fantaisies, ne peuvent si aisément se défaire des hommes, comme les hommes des femmes, n’ayans la commodité de s’eslongner et commencer autre parti, chassans Amour, avec autre Amour. Elles blâment tous les hommes pour un. Elles