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les inconvéniens de la publicité, gênent et compriment sans cesse la vraie liberté de la pensée. » C’est dans la discussion du code civil que le premier consul étonna les jurisconsultes qui siégeaient au conseil d’état. Par des lectures rapides et bien choisies, il s’était mis au courant des principes élémentaires de la science des lois : ces principes lui suffirent pour discuter avec supériorité les théories entre lesquelles il fallait choisir. Qui croirait qu’à cette époque quelques gens d’esprit qui faisaient des discours au tribunat n’avaient pour le projet du code civil que de malveillantes et frivoles épigrammes ? C’est qu’ils avaient beaucoup d’humeur et très peu de connaissances positives.

Le livre XII, qui a pour titre le Concordat, est un des plus remarquables de l’Histoire du Consulat et de l’Empire, et nous croyons qu’il produira une sensation profonde au milieu du choc d’idées et de querelles religieuses dont nous avons le spectacle. Jamais l’intervention du bon sens avec toute sa netteté et toute sa puissance ne fut plus désirable et plus nécessaire. Des imaginations plus ardentes que fortes s’agitent dans un triste chaos. Les uns nous apportent comme une nouveauté, comme une panacée sociale, la risible théorie du mariage des prêtres ; d’autres semblent croire qu’on fabrique des dogmes nouveaux avec des mots sonores, prophètes singuliers qui sont, au surplus, trop gens d’esprit pour se croire eux-mêmes. Cependant, comme pour prendre une triste revanche, dans les rangs du clergé on attaque les lois de l’état. Un prince de l’église commence une croisade contre les plus vieilles maximes de la monarchie française, et une partie de l’épiscopat paraît disposée à le suivre. Des deux côtés, ces écarts sont fâcheux. À ces esprits malades ou agités, nous offrirons les gravés paroles de M. Thiers sur le rôle des religions positives dans les affaires et les sociétés humaines.


« Il faut une croyance religieuse, il faut un culte à toute association humaine. L’homme, jeté au milieu de cet univers, sans savoir d’où il vient, où il va, pourquoi il souffre, pourquoi même il existe, quelle récompense ou quelle peine recevront les longues agitations de sa vie ; assiégé des contradictions de ses semblables, qui lui disent, les uns qu’il y a un Dieu, auteur profond et conséquent de toutes choses ; les autres qu’il n’y en a pas ; ceux-ci qu’il y a un bien, un mal, qui doivent servir de règle à sa conduite ; ceux-là qu’il n’y a ni bien ni mal, que ce sont là les inventions intéressées des grands de la terre : l’homme, au milieu de ces contradictions, éprouve le besoin impérieux, irrésistible, de se faire sur tous ces objets une croyance arrêtée. Vraie ou fausse, sublime ou ridicule, il s’en fait une. Partout, en tout temps, an tout pays, dans l’antiquité comme dans les temps modernes ; dans les pays