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dans les mains d’une autorité étrangère l’immense pouvoir de la religion. D’autres enfin lui proposaient de pousser la France vers le protestantisme, et lui disaient que, s’il donnait l’exemple en se faisant protestant, elle suivrait cet exemple avec empressement.

« Le premier consul résistait de toutes les forces et de sa raison et de son éloquence à ces vulgaires conseils. Il s’était formé une bibliothèque religieuse composée de peu de livres, mais bien choisis, relatifs pour la plupart à l’histoire de l’église, et surtout aux rapports de l’église avec l’état ; il s’était fait traduire les écrits latins de Bossuet sur cette matière, il avait dévoré tout cela dans les courts instans que lui laissait la direction des affaires, et, suppléant par son génie à ce qu’il ignorait, comme dans la composition du code civil, il étonnait tout le monde par la justesse, l’étendue, la variété de son savoir sur la matière des cultes. Suivant sa coutume quand il était plein d’une pensée, il s’en expliquait tous les jours avec ses collègues, avec ses ministres, avec les membres du conseil d’état ou du corps législatif, avec tous les hommes enfin dont il croyait utile de redresser l’opinion. Il réfutait successivement les systèmes erronés qu’on lui proposait, et le faisait par des argumens précis, nets, décisifs. » (T. III, p. 205-212.)


Il faut se donner dans notre historien le spectacle de la persévérance avec laquelle le premier consul poursuivit le triomphe de son plan pour amener la réconciliation de l’église et de l’état, et la restauration du culte catholique. Les négociations furent longues tant à Rome qu’à Paris ; elles étaient même traversées par M. de Talleyrand, que la cour de Rome avait blessé ; mais enfin la volonté du premier consul l’emporta, et, le 15 juillet 1801, le concordat fut signé. L’année suivante, les articles organiques furent rédigés, et le nouvel épiscopat institué ; enfin, le 15 avril 1802, un Te Deum solennel, auquel assistait le premier consul environné de tous les corps de l’état, était chanté à Notre-Dame pour célébrer en même temps la paix générale et la réconciliation avec l’église. Rien ne manque à cette peinture, car M. Thiers a soin d’y joindre la mention d’un article qui paraissait au Moniteur ce même jour de Pâques. Cet article était écrit par M. de Fontanes, qui rendait compte du Génie du Christianisme. M. Thiers dit aussi son mot sur le livre de M. de Châteaubriand, mot d’un classique orthodoxe qui sait cependant tempérer la vérité de son jugement par cette brillante image : « Le Génie du Christianisme vivra, fortement lié à une époque mémorable ; il vivra, comme ces frises sculptées sur le marbre d’un édifice vivent avec le monument qui les porte. »

Nous arrivons ainsi à la fin du troisième volume, à l’établissement du consulat à vie. C’est terminer par une grande scène politique où