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CLÉMENT BRENTANO.


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LETTRES DE JEUNESSE DE CLÉMENT À BETTINA[1]


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Il y a quelque vingt ans, si l’on nous eût demandé comment finirait un jour la jeune pensionnaire qui débutait dans la vie par la correspondance d’Un Enfant avec Goethe, la question, avouons-le, nous eût profondément embarrassés. Avec cette cervelle effervescente, ce cœur émancipé dès le premier âge, tout était à prévoir. Aujourd’hui, le phénomène surprendrait moins, nous en avons tant vu depuis. Au XVIe siècle, une femme qui se serait annoncée de la sorte n’eût point manqué de devenir, sur ses vieux jours, nonne ou sorcière. Par malheur, au temps où nous vivons, on ne croit plus aux sorcières, et la vie des cloîtres a perdu bien de sa poésie ; en revanche, nous avons la femme libre. En Allemagne, l’emploi ne laissait pas d’offrir sa nouveauté, Bettina le prit, et nous dirons à sa louange qu’elle s’en acquitte à merveille. Impossible de mieux se draper en oracle, de parler d’un ton plus résolu au roi de Prusse, d’un air plus inspiré à la jeunesse des écoles, de paraphraser en style romantique, en périodes musicales pleines de fantaisie et d’élégance, toutes les théories socialistes, toutes les idées d’avenir en germe au sein de la jeune Allemagne, et de faire plus ingénieusement amnistier par le lyrisme de la forme des choses qui, simplement dites, eussent envoyé leur auteur méditer cinq ou six mois en prison. Goethe et Mirabeau, Caroline de Günderode et l’abbé Sieyès, Clément Brentano, Sophie

  1. Charlottenbourg, 1844, Bawer ; — Paris, Klincksieck.