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à son supérieur, le général autrichien Friquelmont, Foscolo[1] donne les raisons politiques de son exil volontaire. Il se voit placé entre Murat, Napoléon, les jacobins et la maison d’Autriche. Suivant lui, Murat est incapable, l’Italie est épuisée, la tentative du roi de Naples ne réussira pas. Napoléon a détruit Venise, asservi l’Italie, ensanglanté l’Europe : Foscolo ne l’a pas insulté à l’île d’Elbe, il n’ira pas l’aduler après son retour à Paris. D’un autre côté, le poète se demande s’il doit se joindre à ceux qu’il nomme les jacobins, car il croit naïvement que les jacobins vont livrer un dernier combat au tyran le plus redoutable de l’univers. Foscolo, qui les admire, ne veut pas chercher dans des luttes étrangères une mort obscure et inutile à sa patrie. Murat, Napoléon et les jacobins écartés, reste la maison d’Autriche. L’Italie a besoin de la paix, et l’Autriche ne la lui donnera qu’à prix d’argent. Le triomphe de l’Autriche est inévitable en Lombardie. Foscolo ne veut ni accepter sa domination ni lutter sans espoir ; il doit songer à son honneur, et la devise autrichienne, pour lui, c’est la honte ; s’il prête serment à la maison d’Autriche, il est déshonoré ; il se retire donc en Angleterre, décidé à ne plus vendre son épée à aucun roi, et à renoncer pour toujours à toute entreprise politique.

Dans les premières années de son séjour en Angleterre, Foscolo ne chercha qu’à développer librement son génie dans les revues en se dérobant aux préoccupations de la politique ; mais, après avoir obtenu le succès de curiosité qui ne pouvait manquer à ses premiers travaux sur la terre étrangère, le poète de Zante se vit seul et oublié. Ses coups ne portaient pas, sa parole ne s’adressait à personne ; ses écrits passionnés, qui exaltaient l’Italie, restaient confondus dans la foule des essais que publient les recueils britanniques. Plus de patriotiques sympathies, plus de hardiesses applaudies ; à quoi lui servait son courage ? La presse anglaise est libre ; le Times à lui seul (il l’avoue) est une immense propagande de liberté ; ses feuilles arrivent chaque jour dans les climats les plus lointains, et partout cependant les peuples restent dans l’inaction. Alors Foscolo, qui avait risqué sa vie pour la liberté d’écrire, cesse de croire à la force de la parole. Quand il entend les prédications révolutionnaires des libéraux, il rappelle que Mahomet n’a réussi que par la grace des armes. Pourquoi s’occuperait-il de l’humanité, lui qui ne peut pourvoir aux besoins de sa ville natale ? L’insurrection d’Espagne, l’insurrection

  1. Voyez Scritti politici inediti di Ugo Foscolo raccolti a documentarne la vita e i tempi, par M. Mazzini ; Lugano, 1844.