Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 9.djvu/167

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui d’odieuses représailles. Diffamé à la fois par des ennemis littéraires et par des ennemis politiques, Foscolo passait pour être au service de l’Autriche, de la Russie, du ministère anglais, et on attaquait jusqu’à sa probité. L’exilé avait long-temps gardé le silence ; mais, à la fin de sa vie (1826), la douleur l’emporta, et il se décida à écrire son Apologie. Ce livre fut comme l’agonie de Foscolo le malheureux s’adressait encore cette fois aux écrivains de l’empire, il prenait encore une fois congé de ce royaume d’Italie toujours présent à son esprit[1]. « Vous m’accuserez, dit-il, de ne pas respecter les restes de l’homme qui a été le premier parmi les mortels ; mais quand je l’ai vu vendre Venise et justifier sa trahison en proclamant que les Italiens étaient lâches, infames et méprisables, il avait peut-être raison ; depuis, je l’ai admiré peut-être moins qu’il ne le méritait. » Foscolo rappelle sa vie, ses luttes à Milan, à Lyon, à Pavie, son exil à Vincennes, à Florence, sa destitution, son élection cassée à Venise. « Si je pas perdu la tête sur l’échafaud, dit-il, ce fut clémence ou mépris de Napoléon ; mais vous m’avez mis sans cesse dans la nécessité de rendre les armes, ou de vous répondre et de vivre prisonnier d’état. Napoléon voulait se faire le despote de la presse en Europe ; je ne vous demandais pas de l’héroïsme, il suffisait que vos luttes intérieures n’excitassent pas l’étranger à nous diviser par la rivalité, l’espionnage et les scandales. Bonaparte vous redoutait, il respectait l’antiquité et les gloires de l’Italie ; il vous donnait la liberté de la presse, et il hésitait à la supprimer dans le royaume après l’avoir supprimée à Paris. Cependant vous ne vous êtes servis ni de son respect pour l’Italie, ni de la liberté de la presse. Votre rôle était de lui rappeler jour et nuit que vous étiez ses serfs, à la condition qu’il voulût tenir ses promesses à votre patrie ; mais vous ne parliez que de la France, de l’Europe, du nouveau Cyrus, du Jupiter terrestre qui foudroie les géans, de l’astre éblouissant de lumière. Bonaparte nous avait donné une puissance militaire, et, dans son impatience d’armer les nouvelles générations, il mettait des fusils entre les mains de notre jeunesse : l’armée n’attendait que le moment où quelqu’un pût l’émanciper et la guider ; la jeunesse vous écoutait avec docilité et admiration ; vous avez craint la jeunesse, dédaigné l’armée vous ne voyiez dans ses rangs que des prétoriens ; vous n’avez été utiles ni à l’armée ni aux citoyens. »

Foscolo développe ces idées avec énergie ; son invective relève une

  1. Lettera apologetica a gli editori padovani dalla Divina Commedia. Voyez le recueil de M. Mazzini.