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bien que c’est là, dans le cas présent, l’arme immédiate. Sous air de reprendre et de professer Delolme, il est aussi révolutionnaire qu’il le faut.

L’habileté était de dire qu’on ne l’était pas ; la vérité et l’honnêteté étaient de ne l’être que dans la mesure nécessaire, inévitable. Tandis que des hommes de l’opposition, en cela peu politiques (Benjamin Constant, par exemple), voulaient essayer, à la discussion, de faire réduire les services publics, M. Thiers conseillait, au contraire, le rejet pur et simple du budget ; « ne pas affaiblir le gouvernement, le changer de mains. » La théorie que soutint constamment le National était celle-ci : « Il n’y a plus de révolution possible en France, la révolution est passée ; il n’y a plus qu’un accident. Qu’est-ce qu’un accident ? Changer les personnes sans les choses. » Ce que nous résumons en ces termes se lit avec très peu d’adoucissement en dix ou vingt endroits du National :


« Nous ne savons pas l’avenir, disait M. Thiers dans le numéro du 29 janvier, nous ne savons que le passé ; mais, puisqu’on cite toujours le passé, ne pourrait-on pas citer plus juste ? On rappelle tous les jours l’échafaud de Charles Ier, de Louis XVI. Dans ces deux révolutions qu’on cite, une seule est entièrement accomplie, c’est la révolution anglaise. La nôtre l’est peut-être, mais nous l’ignorons encore. Or, dans cette révolution anglaise, que nous connaissons tout entière, y eut-il deux soulèvemens populaires ? Non, sans doute. La nation anglaise se souleva une première fois, et la seconde, elle se soumit à la plus avilissante oppression, elle laissa mourir Sidney et Russell, elle laissa attaquer ses institutions, ses libertés, ses croyances ; mais ; elle se détacha de ceux qui lui faisaient tous ces maux. Et quand Jacques II, après avoir éloigné ses amis de toutes les opinions et de toutes les époques, se trouva isolé au milieu de la nation morne et silencieuse ; quand éperdu, effrayé de sa solitude, ce prince qui était bon soldat, bon officier, prit la fuite, personne ne l’attaqua, ne le poursuivit, ne lui fit une offense : on le laissa cuir en le plaignant.

« Il est donc vrai que les peuples ne se révoltent pas deux fois ! »


M. Mignet, insistant sur le même rapprochement historique, écrivait le 12 février :


« Elle (la nation anglaise) fit donc une simple modification de personnes en 1688, pour compléter une révolution de principes opérée en 1640, et elle plaça sur un trône tout fait une famille qui avait la foi nouvelle. L’Angleterre si peu révolutionnaire à cette époque, que, respectant, autant qu’il se pouvait, le droit antique, elle choisit la famille la plus proche parente du prince déchu. »