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en ligne droite. Trente-six soldats assurent les échanges avec les peuples de la Haute-Sénégambie.

L’île de Gorée est située à une demi-lieue du cap Vert, à 1 mille de la terre de Dakar, à 38 lieues au sud-sud-ouest de Saint-Louis, et à 35 de l’embouchure de la Gambie, où est placé le comptoir anglais de Bathurst. Cette île a 880 mètres de long sur 215 mètres de large. Sa circonférence est évaluée à 2,250 mètres, et sa superficie à 17 hectares. Elle est naturellement divisée en deux parties. La partie du sud n’est qu’une masse de roches à pic de 250 mètres de hauteur, se prolongeant vers l’ouest en colonnes basaltiques de la plus grande beauté ; la base du rocher occupe une circonférence de 600 mètres ; un fort domine le sommet. Le reste de l’île s’abaisse brusquement au niveau de la mer, et on ne peut apercevoir du large que les batteries et les édifices qui y sont construits. Gorée, complètement stérile, ne produit rien pour la subsistance des habitans, qui tirent de la grande terre l’eau nécessaire à leurs besoins. L’existence des puits de Dakar et de Han est un singulier phénomène. Ils sont si proches de la mer, que les lames viennent souvent les combler. Il en est de même à Guett’ndar, où la rive droite du Sénégal, large de 400 mètres, est envahie d’un côté par les vagues et baignée de l’autre par le fleuve, toujours salé durant la saison sèche : là cependant se trouvent des puits qui suffisent à des milliers d’indigènes. Ces irrigations souterraines proviennent-elles des rosées, si abondantes pendant la nuit ? Quelques courans intérieurs, que la sonde pourrait seule découvrir, sillonnent-ils les dernières couches de sable, ou enfin, comme le supposent plusieurs naturalistes, cette arène mouvante, toujours frappée des rayons d’un soleil ardent, absorbe-t-elle les parties salines de la mer, dont les eaux, épurées par l’infiltration, deviennent potables, conservant néanmoins un goût d’amertume, cachet de leur origine ? Toujours est-il que le rivage est couvert de puits. Quand l’un de ces trous est à sec, les noirs fouillent un peu plus loin et trouvent une eau saumâtre dont ils se contentent, sans se donner la peine de creuser davantage pour s’assurer qu’une source pure n’est pas cachée plus profondément. Quelques petites sources s’échappent goutte à goutte des rochers de Gorée ; elles appartiennent aux signares ([1], et ne pourraient suffire à toute la population.

Malgré ces désavantages, l’île de Gorée est un point très important sur la côte d’Afrique. Sa position pittoresque l’a fait surnommer par les marins le Petit-Gibraltar ; malheureusement les fortifications sont loin de répondre à ce nom formidable, qui indique toutefois ce que l’on pourrait entreprendre pour faire d’un excellent mouillage un refuge assuré à nos flottes en cas de guerre, tandis que les travaux exécutés il y a peu de temps ne le mettent qu’à l’abri d’un coup de main. Point maritime et militaire, ce port est le seul

  1. on désigne ainsi les indigènes libres qui descendent des anciens maîtres du pays.