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que la France possède dans ces parages. La sûreté du Sénégal exige que ce rocher soit en état de défendre les approches des côtes, et la marine royale après ses victoires comme après ses revers, demande à se ravitailler, à s’abriter continuellement. La nature a tout fait pour rendre Gorée imprenable. Une escadre poursuivie par des forces supérieures n’aurait rien à redouter au mouillage, si les rochers qui le dominent présentaient, comme Gibraltar, des batteries étagées les unes sur les autres. Le manque de vivres, la privation d’eau, seraient seuls à craindre, et nul doute que dans l’état actuel de la place une vigilante croisière ne l’obligeât bientôt à se rendre. Aussi est-il nécessaire de construire un fort sur la pointe sud de la terre de Dakar, éloignée d’un mille. Entre les feux croisés de l’île et ceux des nouvelles fortifications, les chaloupes, les pirogues, introduiraient à Gorée des vivres, de l’eau, et les troupes venues par terre de Saint-Louis.

La rade de Gorée est spacieuse et le mouillage excellent, même durant l’hivernage. À cette époque soufflent sur toute la côte les tornades des tropiques, orages terribles qui se lèvent du large et tombent comme la foudre. Ces grains, véritables ouragans sous la ligne, perdent de leur violence dans les latitudes plus élevées ; ils passent trop vite à Gorée pour que tout navire solidement ancré ait beaucoup à craindre de ces coups de vents, en général moins forts que les rudes tempêtes d’hiver de nos rades du nord. Le climat de l’île, purifié par la brise de mer, est sain, et c’est sur ce pauvre rocher que les malades de Saint-Louis et des colonies anglaises viennent se rétablir et respirer à longs traits l’air fortifiant qui manque partout sur le continent, soit dans les plaines sablonneuses, soit sur les bords en fleurs des rivières, dont les bois magnifiques exhalent de si doux, mais de si dangereux parfums. La ville occupe les deux tiers de Gorée ; il s’y trouve une caserne pour 200 soldats, un hôpital, une église et un hôtel du gouvernement. En 1838, on comptait sur l’île 223 maisons, 151 cases et 55 magasins et boutiques. Gorée, le cap Vert et le cap Manuel, produits volcaniques, sont les seules collines que l’on aperçoive depuis le cap Blanc jusqu’à Sierra-Leone, où commencent enfin les hautes chaînes de montagnes qui finissent au cap de Bonne-Espérance. Le sol de la grande vallée du Sénégal doit sa formation aux alluvions produites par les débordemens périodiques du fleuve, et il faut remonter au-delà de Bakel pour retrouver les terrains primitifs de roche siliceuse ou micacée. Partout ailleurs s’étend le désert, qui se prolonge des côtes de l’Océan jusqu’aux confins de la Libye, et des rives du Sénégal aux montagnes de Fez et de Maroc.

Les comptoirs de Seghiou dans la Cazamance et d’Albreda dans la Gambie sont peu importans. Celui d’Albreda surtout, placé sur un fleuve dont le cours est sous la domination anglaise, ne peut que difficilement prospérer. Cependant, depuis la culture de l’arachide, plante oléagineuse qui croît spontanément en Afrique, ce comptoir pourrait faire une active concurrence aux négocians de Bathurst. Déjà Albreda a expédié 500,000 kilogrammes de