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à la race des Foules. Le commerce tire du Fouta du mil, du morphil, de l’or en grande quantité, des cuirs et des gommes. Sur la rive méridionale du fleuve, près des cataractes du Félou et de Gouina, M. Brué avait fondé le comptoir de Médina pour l’exploitation des mines du Bondouk.

Toutes les tribus de la rive gauche du Sénégal appartiennent, ainsi que les Maures, à la religion musulmane ; mais ce culte est sensiblement altéré, surtout chez les nègres, qui, tout en suivant la loi du prophète, invoquent aussi, pour la plupart, des dieux secondaires, bons ou mauvais génies de la guerre, de la pêche, des récoltes, des haines et des amours. Tous ont le corps couvert d’amulettes que leur vendent les marabouts, prêtres magiciens, dont les conseils sont toujours écoutés avec crainte. Jusqu’ici la propagande chrétienne n’a produit de résultats que parmi les esclaves de la colonie ; encore, chez ces derniers, n’a-t-elle guère été féconde, puisque sur douze mille captifs elle n’a pu gagner qu’un millier d’enfans qui ont remplacé, par la douce croyance à la Vierge, mère de douleurs accessible à tous, la foi aux mauvais esprits. Du reste, la religion mahométane, avec ses dogmes si simples, paraît mieux convenir aux peuples primitifs d’Orient. Le Dieu unique de Mahomet, l’Allah éternel, bon pour les justes, terrible aux méchans, permettant les plaisirs sensuels sous un ciel provocateur, et dont les préceptes se réduisent à la prière et à l’aumône ; cet être seul avec ses anges, dans un paradis sans mystères comme la loi qu’il a dictée, devait être facilement compris d’hommes indolens, guerriers, contemplatifs, et passionnés pour les femmes, fleurs passagères dont le Coran permet de respirer le parfum. Aussi voit-on les missionnaires échouer près des musulmans turcs, arabes, noirs et indiens. Les prêtres catholiques eux-mêmes ont toujours préféré répandre les lumières du christianisme chez les nations idolâtres, où leur voix, proclamant un seul Dieu devant les manitous et les fétiches, finissait par être écoutée ; mais que pouvaient-ils apprendre aux nations qui adoraient la suprême unité ? Des rites et des formules différens, toutes choses auxquelles le corps résiste souvent, quand l’esprit est convaincu, car ce qui choque le plus peut-être dans un culte étranger, ce sont les usages nouveaux qui bouleversent les souvenirs d’enfance, l’éducation reçue, et les premières joies de la famille. Aussi les conversions sont-elles rares parmi les peuples qui ont la grande idée religieuse d’un seul Dieu ; chacun reste dans la route qui conduit au même but, comme les voyageurs qui gravissent une pyramide à plusieurs faces, sûrs de se retrouver au sommet, quel que soit le côté choisi pour l’escalade. Observons, en outre, que les missionnaires ont de tout temps négligé l’Afrique. Les jésuites, il est vrai, avant leur suppression, avaient dirigé des missions en Abyssine, au Congo, à Angola et à Mozambique, mais ces efforts partiels ne sont pas à comparer aux sublimes travaux apostoliques du Paraguay, du Nouveau-Monde, de l’Inde, de la Chine et du Japon. Encore aujourd’hui, l’Afrique est un champ abandonné, attendant les travailleurs de la dernière heure ; toutes les contrées où ne règne pas le