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Coran sont plongées dans les ténèbres des plus honteuses superstitions. Que Rome se réveille, sinon la palme lui sera ravie par les ministres anglicans, qui, de la Gambie, de Sierra-Leone et du cap de Bonne-Espérance, étendent leur influence biblique et commerçante chez les tribus voisines.

Les nègres mahométans de la Sénégambie sont généralement plus intelligens et plus sociables que les peuplades du bas de la côte. Bien des causes réunies ont probablement donné aux Yolofs la supériorité qui les distingue. Déjà, sous les Carthaginois, les Romains et les Arabes, le nord de l’Afrique avait de fréquentes communications avec les nations de la Nigritie ; par la suite, une religion plus pure, les relations commerciales des blancs, le passage des caravanes d’Alger, de Tunis et de Maroc, apprivoisèrent à la longue les habitans ; mais qu’il y a loin de cet adoucissement des mœurs, amené par des siècles de frottement avec des peuples civilisés, aux plus faibles indices d’une régénération quelconque ! Si les partisans de l’esclavage sourient avec dédain à la qualification d’hommes donnée à de pauvres créatures que la terre et le ciel lui-même semblent repousser de l’échelle des êtres, s’ils s’efforcent encore de ravaler les nègres au rang d’animaux plus parfaits que les bêtes, les abolitionistes, de leur côté, ne sont pas exempts d’exagération dans les faits qu’ils avancent pour faire triompher la pieuse croisade de l’affranchissement universel. A Dieu ne plaise que nous cherchions à détruire de nobles illusions ! ce n’est pas nous qui ramasserons les pierres teintes du sang de ce peuple si long-temps lapidé ; mais, tout en flétrissant l’odieuse malédiction jetée sur les noirs, il faut cependant reconnaître que, soit constitution physique, soit abrutissement primitif dont les causes nous échappent, cette nation disgraciée n’a jamais montré l’énergie et l’intelligence des autres races de couleur.

Les tribus agricoles de la Haute-Sénégambie, quoique supérieures aux autres nations de l’Afrique, ont conservé, dans leurs rapports avec les blancs, la cruauté et la méfiance qui distinguent les nègres, et un éloignement invincible pour tout rapprochement direct. Seules, les peuplades sénégalaises semblent avoir depuis long-temps perdu leur sauvagerie, sans acquérir toutefois les instincts commerciaux et industriels des Foules, des Mandingues et des Saracolets. Doux, tranquilles, hospitaliers, les Yolofs accueillent avec prévenance le marchand ou l’officier qui s’arrête fatigué à la porte de leurs cases. Le chef du village est aussitôt prévenu et réclame le droit d’offrir sa natte à l’étranger. La femme du maître, ses filles, nues jusqu’à la ceinture, présentent dans des calebasses du lait, du vin de palmes, des fruits rafraîchissans et la tendre noix du cocotier. Assises aux pieds du visiteur, elles se parent avec bonheur des brillantes verroteries qu’il distribue ; leurs yeux noirs montrent une admiration naïve pour les yeux du chrétien dont la teinte vague et douce charme en secret les plus fières ; leur main curieuse lisse avec complaisance la fine chevelure du blanc, et s’oublie quelquefois à caresser les traits réguliers de son pâle visage et les contours