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redoutable à l’Angleterre et aux États-Unis. Une espérance plus noble animait encore le gouvernement ; la moralité des nègres n’avait rien gagné au contact des blancs, et ces tribus, loin de dépouiller, dans le voisinage des comptoirs, leur férocité native, étaient sans cesse excitées par les traitans à de nouvelles violences et à des excursions que rendait indispensables leur odieux trafic. Une fois les baracons fermés, la guerre défendue et punie, la paix allait descendre parmi ces malheureux sauvages. Les pagnes, les brillantes verroteries de Saint-Louis, ne seraient plus vendus à la femme du guerrier implacable, mais à la compagne du tranquille ouvrier qui, soumis aux vues bienfaisantes de la métropole, cultiverait ses champs ou prêterait son concours aux travaux des colons. Des principes religieux, des relations plus douces, en domptant sans secousses ces natures mauvaises, permettraient enfin à la civilisation de féconder cette terre si long-temps maudite, et lui feraient oublier, à force de bienfaits et de bonheur, tous les maux qu’elle-même avait causés.

Les premières entreprises de culture furent d’abord conduites avec cet entraînement et cette exubérance de mouvement et d’activité qui signalent constamment tout projet nouveau d’une administration française. Au mois de mai 1818, le plan présenté au gouvernement fut aussitôt adopté, et deux expéditions partirent des ports, la première le 8 juillet de la même année, la seconde le 15 février 1819, pour transporter au Sénégal les personnes et le matériel jugés nécessaires à l’exécution ; mais, à l’arrivée des bâtimens dans le fleuve, rien n’était encore prêt pour la réalisation des desseins du ministère : le gouverneur de Saint-Louis n’avait pu parvenir à s’entendre avec les Foules, dont le pays, situé près des cataractes du Felou, présentait à la colonisation de grands avantages, et, en outre, la facilité d’exploiter un jour les mines d’or, d’argent et de cuivre des environs, d’après les plans de M. Brué, qui avaient été retrouvés. Malheureusement, les Foules, rigides mahométans, ont, comme tous les musulmans fanatiques, les chrétiens en horreur. Ne pouvant traiter avec une pareille nation, le gouverneur passa, le 8 mai 1819, avec les Braknas du Walo, un acte solennel par lequel les chefs de la contrée cédaient à la France, en toute propriété et à toujours, moyennant des coutumes arrêtées, les îles et autres terres du Walo où le gouvernement voudrait former des établissemens. Déjà les terrains cédés avaient été partagés, les divers employés allaient partir pour Dagana, village désigné comme le chef-lieu de la colonisation, lorsque les Maures Trarzas, ligués avec les Foules, déclarèrent la guerre au gouverneur de Saint-Louis. Les Trarzas, ayant assujéti le Walo à des tributs onéreux, ne pouvaient voir sans mécontentement la formation des établissemens français, qui allaient rendre l’indépendance à leurs tributaires. Quant aux Foules, ils comprirent que les cultures établies aux frontières du Fouta les menaçaient, dans un avenir prochain, des dangers qu’ils avaient voulu éviter en refusant des terres aux chrétiens. Ces deux peuples firent alliance, entraînant