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prix de la pièce de guinée, et s’engageaient à ne pas l’échanger à un taux inférieur. L’association, formée avec la sanction du gouvernement, excluait de la traite les commerçans qui ne s’y livraient pas ordinairement, et qui n’avaient commencé à la faire que depuis trois ans. Parmi ces trois régimes, appliqués tour à tour, le plus désastreux était, sans contredit, celui de la libre concurrence, qui provoquait toujours des excès déplorables. A la suite de ces excès, on demandait l’établissement du compromis, et ce dernier système, toujours mal pratiqué, ne produisait presque toujours que des résultats insignifians. Il fallait adopter des mesures plus énergiques, une allure plus franche, et on reculait toujours devant une telle extrémité.

En 1838, le gouvernement ayant rétabli la libre concurrence, la vanité des traitans, déjà excitée par le succès, ne connut plus de bornes ; l’importation monta à 240,000 pièces, et l’exportation à 4,200,000 kil. Alors la ruine des traitans recommença ; l’abondance des guinées amena une si grande avidité dans les échanges avec les Maures, que les traitans livrèrent aux escales pour 15 et 17 kil. de gommes les guinées payées à Saint-Louis 21 kil. Tous revinrent endettés, réclamant à grands cris l’établissement d’un compromis. Le compromis de 1839 fixa le prix de la guinée à 30 kilog. de gommes : l’importation atteignit 138,000 pièces de guinée, et l’exportation de gommes 3,864,000 kil. ; mais l’encombrement des guinées était si considérable et les précautions prises pour réprimer les contraventions au compromis tellement insignifiantes, que les conditions du pacte commercial furent violées à toutes les escales et les guinées cédées à perte, comme aux époques de libre concurrence. En outre, les négocians, après avoir vendu aux traitans leurs guinées en retour de la récolte des gommes, se rendirent aux escales, firent eux-mêmes le commerce avec les Maures, auxquels ils cédèrent la pièce d’étoffe pour 16 kil. de gommes, prix bien inférieur à celui qu’ils avaient exigé des traitans à Saint-Louis. En 1840, année de libre concurrence, les mêmes excès se reproduisirent avec encore plus de violence ; l’encombrement, déjà énorme à Saint-Louis, fut subitement augmenté par l’arrivage de 109,000 pièces expédiées par les ports français, où l’affluence des produits de l’Inde avait fait tomber la guinée à 18 et 15 francs en 1839, et à 12 et 11 francs en 1840. Négocians et traitans, chacun voulut se débarrasser de tissus qui venaient d’éprouver une baisse de 50 pour 100 dans les entrepôts. Les gommes, achetées à tout prix, montèrent à 3,000,000 kil. Toutefois les affaires eurent de si funestes résultats, que le gouverneur, alarmé de l’état de sa colonie, demanda à la métropole de trancher définitivement la question du régime à suivre pour le commerce du fleuve. En 1841, le gouvernement déclara la traite libre avec des règles nouvelles et une police sévère. La petite traite donna aux trois escales 200,000 kil. de gomme, et la guinée, après s’être maintenue au prix de 28 kil., retomba à 18 et 15 kil. La majorité des négocians et des traitans réclama les compromis, qui fixèrent la pièce de guinée à 27 kil. : la nouvelle convention fut violée avec plus d’impudence