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et les sociétaires surpris en contravention des règlemens. Le commerce de Galam était seul déclaré libre. Tout individu patenté résidant à Saint-Louis, toute personne libre ou esclave ayant déjà fait la traite avait droit à une action de la société, dont le capital avait été fixé à 2,500,000 fr. Ainsi l’association, établie pour cinq ans, n’excluait personne du partage des actions, déclarées inaliénables et insaisissables, hors le cas de faillite ou de décès. Le créancier fournissant des fonds pouvait prendre une action au compte de son débiteur ; celui-ci n’avait aucun droit sur le capital avancé, mais il touchait le produit de l’action souscrite en son nom, dont les trois quarts étaient employés à l’extinction de ses dettes. Les porteurs de titres de créances sur les Maures ne pouvaient en exiger le paiement intégral qu’en 1843 ; ils devaient se contenter du tiers de leurs créances durant l’année 1842, et la société se réservait le droit de poursuivre seule les recouvremens auprès des Maures. L’assemblée générale nommait le conseil d’administration de la société, composé de cinq négocians ou traitans indigènes, de cinq négocians européens, et d’un directeur au choix du gouverneur, qui désignait en outre un commissaire du roi pour surveiller, avec voix consultative, les séances du conseil. Telles sont les principales dispositions de cet acte d’association, qui a donné lieu aux attaques et aux défenses les plus passionnées. A peu près unanimement approuvé par tous les habitans du Sénégal, par l’administration locale et les marins qui connaissent ce singulier pays, le privilège de la société fondée le 16 avril fut vivement dénoncé en France comme portant atteinte à la liberté commerciale. La presse signala l’état déplorable où le Sénégal se trouvait réduit, et montra l’Angleterre attentive à nos fautes, intriguant pour faire prendre aux Maures la route de Portendik. Chaque journal, après avoir donné à son point de vue le récit des évènemens que nous venons de rapporter, exposait à son tour des plans infaillibles, où se trahissait cependant, avec l’oubli des faits contradictoires, l’ignorance complète des localités et du commerce du fleuve, qui n’a aucun rapport avec celui des autres colonies françaises. Au Sénégal, nous l’avons déjà dit, la civilisation est encore à naître parmi ces populations malheureuses et plongées par les excès et la cruauté des Européens dans un morne abrutissement. Aucun intérêt agricole ni industriel ne se mêle au commerce du marchand ; les bénéfices de soixante navires expédiés chaque année des ports reposent uniquement sur les échanges des produits européens qui se font avec les peuplades voisines contre les denrées du pays, sans l’intervention de signes monétaires. Ce commerce primitif entre l’homme civilisé et le sauvage n’a pas même lieu directement de l’un à l’autre, mais par l’intermédiaire forcé d’une population placée sous notre protection, et toute l’influence française, toutes nos espérances de colonisation future, reposent sur l’attachement et la prospérité de ces indigènes, qui sont les entrepreneurs obligés de la traite avec les Maures et les mandataires du négociant dans ses relations avec les tribus de la rive gauche.

Toutefois les plaintes des ports, les exagérations des journaux, n’avaient