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possible de créances qui arrêtaient le mouvement commercial de Saint-Louis, du fleuve et de la métropole elle-même. Elle adoptait des mesures extra-légales, comme elle l’avait fait en 1834, et aucune situation mieux que celle de 1842 ne pouvait justifier, nous le répétons, l’emploi de ces mesures exceptionnelles. La commission n’a-t-elle pas accueilli trop vite les dépositions des commerçans des ports, en assurant que la société a trompé par cette mesure les bienfaisantes intentions qui ont présidé à sa formation ?

Ce n’est pas le seul passage du rapport qui nous paraisse soulever de graves objections. « La traite du fleuve, dit la commission, emploie ordinairement 15,0 navires, 150 traitans et 1,500 laptots, c’est-à-dire toute la population du Sénégal qui se livre au commerce des gommes, et l’association n’a occupé que 22 traitans, 22 navires et 500 marins, laissant ainsi 1,000 matelots sans ouvrage. » il y a erreur quant au nombre des bâtimens, puisque 56 navires furent employés, 12 à l’escale des Darmankous, 22 à celle des Trarzas, et 22 à l’escale des Braknas. Les 56 bateaux de traite restaient aux escales, servant de magasins, tandis qu’une foule de barques, d’allégés, descendaient continuellement à Saint-Louis, où elles portaient les gommes que les stationnaires leur avaient versées. En outre, les 56 navires mouillés aux escales nécessitaient l’emploi de plus de 22 traitans, et les chalans qui opéraient le transbordement des gommes avaient, eux aussi, des équipages qu’il faut ajouter aux 500 laptots des 22 navires de la commission. Le rapport contredit les témoignages favorables à l’association (et ils sont nombreux), qui prétendent que 1,000 matelots ont été reportés des escales à la traite des marigots. Une déposition assez étrange affirme au contraire que la société a laissé 2,000 noirs dans la misère. Sans accorder plus de foi qu’il ne convient à ces assertions contradictoires, nous ferons remarquer, ce que l’on oublie de dire ou ce que l’on ne sait pas, que l’avantage des traitans, des négocians, de la colonie enfin, se trouve dans la réduction du nombre des marins. Les matelots sont des esclaves qu’on embarque accidentellement ; ils appartiennent aux traitans qui, s’ils pouvaient obtenir le même résultat aux escales avec dix hommes au lieu de vingt, occuperaient les bras inutiles, soit dans les ateliers, soit à la pêche, dont le produit est assuré, soit aux cultures des légumes si recherchés à la ville, soit enfin aux mille travaux de l’intérieur et à la traite des marigots.

Un autre reproche qu’on fait à l’association, c’est de n’avoir échangé que 40,000 pièces de guinée contre 1 million de kilog. de gommes, lorsque la moyenne des guinées vendues dans les traites précédentes (qui ont ruiné les traitans) était de 120,000 pièces contre 2,300,000 kilog., y compris toutefois la traite de Galam ; mais il ne faut pas oublier qu’il y a des années où la récolte manque totalement. Du reste, si on voulait juger de l’efficacité des mesures par le résultat de la vente, la commission ferait à son insu l’éloge du compromis et condamnerait ses propres conclusions ; car, aux époques où on appliquait le compromis, les gommes et les guinées ont été échangées