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il touche à sa dignité, à son influence morale[1]. Nos rapports avec les populations barbares perdraient leur caractère d’utilité générale le jour où le commerce de la colonie, abandonné à lui-même, cesserait d’être entre nos mains un instrument de force et de civilisation.


V.- PÊCHE ET CULTURE. – AVENIR DE LA COLONIE

Les bénéfices de la traite des gommes ne sont pas les seuls avantages que présentent nos comptoirs d’Afrique : l’organisation de la pêche le long des côtes et l’exploitation de l’arachide, dont la culture commence sous des auspices plus heureux que celle du cotonnier et de l’indigofère, doivent appeler sur le Sénégal tout l’intérêt de la mère-patrie[2]. Nous doutons que les indigènes se livrent d’eux-mêmes à une culture, quand bien même ils la reconnaîtraient lucrative ; cependant puisque l’arachide promet de si brillans avantages, puisqu’il ne s’agit plus, comme pour le cotonnier et l’indigofère, de travailler sur des données incertaines, mais bien de partager les bénéfices connus des Anglais, des Américains et d’un négociant français, ne serait-ce pas le cas de revenir aux projets de colonisation trop vite abandonnés peut-être en 1830 ? Outre l’intérêt de la France à s’assurer par des voies bienfaisantes et pacifiques le protectorat de la Sénégambie et la domination du fleuve, seule artère par.Où s’épanchent les richesses de la contrée, il serait bien temps de terminer

  1. Un passage du rapport de la commission fera juger de l’importance de la question sur laquelle nous avons cru devoir nous étendre, malgré l’aridité du sujet : « Le développement toujours croissant de l’industrie promet en Europe une extension considérable à la consommation de la gomme. Les anciens emplois de cette denrée se multiplient, et de nouveaux s’ouvrent chaque jour : le nord-ouest de l’Afrique est le point où elle se produit avec le plus d’abondance, et le fleuve du Sénégal est l’issue presque unique par laquelle elle s’écoule vers les lieux de consommation. Ce commerce est à nous, et, si nous savons le conserver et l’accroître, il peut acquérir une importance bien plus grande encore que celle à laquelle il est déjà parvenu. »
  2. L’arachide est une graine oléagineuse qui croît disséminée sur la rive gauche du fleuve et en Gambie, où elle est devenue une branche importante du commerce de Bathusrst. Cette plante fournit une huile excellente, et il s’en fait une exportation considérable aux États-Unis et en Angleterre. La maison de MM. Régis frères de Marseille a demandé, en 1843, 500,000 kil. de graines au comptoir d’Albreda, d’où elle en avait déjà tiré 300,000 kil. en 1842 L’arachide se vend en Afrique 2 fr. 50 cent. les 12 1/2 kil, et revient en France à 37 et 38 fr. les 100 kil., dont le gouvernement a réduit à 1 fr. les droits d’entrée. Le Sénégal a aussi expédié quelques envois de graines, et, dit le rapport de la commission, pour peu que cette plante soit aidée par la culture, à laquelle les indigènes, aussitôt qu’ils reconnaîtront qu’elle est lucrative, ne manqueront pas de se livrer, elle parviendra, sans peine et sans frais à une production très abondante.