Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 9.djvu/299

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

populations à de nouvelles cultures, il fallait leur présenter des chances de succès durables, et les plantations d’arachides semblent réunir les plus grandes conditions de réussite. Le seul obstacle à ces projets, ce sont encore les Maures. Nous avons avancé plus haut, contrairement à la commission, qu’il y avait nécessité pour la France à détruire leur influence sur la rive, gauche, et que la politique commandait de maintenir élevé le prix d’échange, de la guinée. La commission l’a senti, et cette fois elle est d’accord avec nous, sur la nécessité de combattre cette race hostile. Pour exploiter avec succès les richesses naturelles du Sénégal, elle reconnaît qu’il « faut pouvoir y contrebalancer la puissance des Maures, en tirant parti de la sympathie qu’ont pour nous les peuplades pacifiques qui l’habitent, et à laquelle la crainte des violences des peuples de la rive droite les empêche seule de se livrer. v

La quantité de poissons prise sans aucune fatigue sur les côtes d’Afrique est telle, que l’on ne sait réellement à quoi attribuer la négligence des pêcheurs du Nord, qui n’ont jamais tenté jusqu’ici une seule expédition dans ces parages. Un travail récent de M. Berthelot, qui a passé dix ans aux Canaries, fait connaître les résultats prodigieux de la pêche des naturels. D’après M. Berthelot, les produits moyens de la pêche des Canaries dépassent de beaucoup ceux qu’on recueille à Terre-Neuve. Tandis que le pêcheur terre-neuvien prend en moyenne 400 kil. de poisson par année, un Canarien en pêche en moyenne 11,000 kil. En d’autres termes, le marin des, îles retire plus de 5,000 poissons, quand celui de Terre-Neuve n’en prend que 200, d’où il résulte qu’il faut 26 hommes sur le banc pour récolter, dans une campagne, ce qu’un seul insulaire trouve dans l’année. L’année de pêche, pour le marin des Canaries, est de cinq mois tout au plus ; la durée d’une campagne à Terre-Neuve exige quatre mois des plus rudes fatigues. Quant aux frais d’armement, M. Berthelot, s’appuyant sur les recherches de M. Marec, sous-chef au personnel de la marine, l’homme le plus compétent sur ces importantes questions, trouve que la dépense de la première année d’armement serait de deux tiers moins élevée pour les mers d’Afrique que. pour la côte d’Amérique[1]. La pêche d’Afrique a un autre avantage dont il faut tenir compte. Nous voulons parler des heureuses chances qu’elle offre à la navigation. « Depuis le cap Bojador jusqu’aux îles Delos, dit M. l’amiral

  1. M. Berthelot démontre, toujours en s’appuyant sur les calculs de M. Marec, que, si le navire de Terre-Neuve fait une pêche moyenne, le produit net de la première année sera de 12,000 fr. environ au-dessous de la dépense d’armement ; les voyages suivans donneront seuls des profits. Près du cap Blanc, au contraire, tout en supposant que l’on ne prenne qu’une quantité de poisson comparativement égale à celle de Terre-Neuve, le bénéfice serait de 2,000 fr. la première année, et non-seulement il n’est pas tenu compte du produit de l’huile, qui figure dans le calcul relatif aux navires de Terre-Neuve, mais l’on admet encore que nulle prime d’armement ne sera accordée à la pêche nouvelle, tandis que la prime de 50 fr, par homme continuera à être allouée à la pêche ancienne.