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un suprême élan de désespoir, Samiel ! à mon aide ; je me voue à toi. » Et l’enfer, découvrant ses abîmes, Samiel en sortit, vêtu de feu. « Me voici, » dit-il. Max se jeta à terre, détournant sa vue du chasseur noir. Au même instant, une heure sonna, Samiel disparut, l’orage cessa de gronder, et Max, se relevant, crut s’éveiller d’un rêve plein d’angoisses. »

Un homme qui, à ses loisirs, comprend mieux que personne le dilettantisme dans les choses de l’imagination et de l’esprit, nous disait dernièrement qu’à Palerme les souvenirs de Robert-le-Diable l’avaient partout poursuivi, et cependant Dieu sait si la personne dont voulons parler s’en allait chercher en Sicile des impressions musicales ; mais comment se soustraire à l’influence des lieux ? Cette ville byzantine au dedans, espagnole au dehors, pleine de balcons et de mosaïques, cette cité riante, bornée d’un côté par une mer d’azur, de l’autre par des jardins d’orangers, et s’épanouissant en demi-cercle, en conque d’or au sein d’une nature âpre et sauvage, au pied de monts abruptes, noirs et fantastiques où dort au creux du rocher le plus menaçant la véritable Sainte-Rosalie, sinon en chair, du moins en os, tout cela n’était-il pas fait pour rappeler à l’imagination du noble touriste le double caractère de sensualisme italien et de terreur allemande si profondément empreint dans le chef-d’œuvre de M. Meyerbeer. Singulière disposition de l’ame humaine, de rechercher partout l’idéal de préférence au réel ! On en veut à de solennelles investigations, et, pour un moment, on se laisse prendre aux fantaisies des poètes, et, dans la première émotion du paysage, on oublierait presque Charles d’Anjou pour le chevalier Bertram, et la princesse Béatrix pour la princesse Isabelle. Au fond, ce sentiment auquel les grands artistes donnent forme réside en nous, et la preuve, c’est qui il s’éveille aussitôt que nous nous trouvons en présence des localités qui les ont inspirés. Supposez maintenant que ces chefs-d’œuvre si volontiers évoqués n’existent pas, croyez-vous que notre lyrisme du moment en sera refroidi le moins du monde ? Non, certes ; notre imagination, dans son expansive plénitude, en créera d’autres, et de non moins merveilleux. C’est ainsi, du reste, qu’il faut s’expliquer ces prodigieux succès de certains ouvrages médiocres, lesquels, pour des esprits impuissans ou paresseux, suppléent tant bien que mal à cette faculté productive qu’on n’a point ou qu’on ne se donne point la peine d’avoir. Il n’y a que les affinités qui s’appellent entre elles. Voyez cette cloche vierge encore, à peine elle sort du moule incandescent ; pour s’assurer si le son est exact et juste, on approche d’elle un tuyau d’orgue qu’on