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centres. Ils montraient les dispositions hostiles des esprits. Ils étaient le symptôme d’une situation nouvelle. À ces premiers revers était venue se joindre une complication inattendue. Le portefeuille de l’instruction publique était vacant, et ceux qui étaient sollicités de le prendre le refusaient.

Telle était, il y a quelques jours, la situation. Loin de s’améliorer pour le cabinet, elle s’est au contraire aggravée. L’accord entre le centre gauche et une fraction de la majorité est devenu plus étroit. L’opinion, en dehors des chambres, se montre favorable au rapprochement des deux centres, et le ministère entend de tous côtés des prédictions sinistres.

Il est vrai que le cabinet a obtenu la majorité dans la commission de l’adresse au Palais-Bourbon ; mais cet avantage se réduit en réalité à fort peu de chose. D’abord, suivant des calculs certains, incontestables, la majorité ministérielle dans les bureaux ne s’est pas élevée à plus de trente-deux voix ; ensuite, si l’on se reporte au vote antérieur sur M. Billault, on peut légitimement prétendre que, parmi ces trente-deux voix, il en est bien peu qui appartiennent réellement au ministère. Nous ne voudrions pas du reste appuyer cette prétention sur des motifs peu honorables pour une fraction du parti conservateur. On a dit que l’opposition de certains députés avait pu se trouver gênée dans les bureaux, où l’on vote à bulletin ouvert, sous le regard indiscret des amis officieux du ministère ; nous croyons que la conduite de ces honorables membres a été dictée par des raisons plus dignes. Les conservateurs dissidens ne font pas une coalition ; ils n’ont pas signé un pacte, un traité d’alliance défensive et offensive avec toutes les nuances de l’opposition. Ils ont exprimé un dissentiment qui les sépare du ministère sur des questions spéciales : voilà tout. Si plusieurs d’entre eux ont voté pour M. Billault, c’est que l’honorable membre du centre gauche partage leurs sentimens sur ces questions qui dominent en ce moment la politique, et que du reste, sur l’ensemble du système intérieur ou extérieur de la France, il a des tendances marquées vers la majorité. Voter pour M. Billault, quoi qu’en aient dit les feuilles ministérielles, ce n’est pas voter pour un ennemi de l’alliance anglaise et de la constitution ; mais à des candidats d’une couleur plus prononcée, à des hommes que le gouvernement des quinze années a toujours rencontrés dans les rangs de ses adversaires, les conservateurs dissidens ont dû préférer pour la commission de l’adresse des candidats ministériels. Voilà ce qui explique pourquoi le ministère a eu la majorité dans les bureaux.

Dira-t-on que le ministère doit sa majorité aux explications qu’il a données, aux argumens triomphans qu’il a présentés sur les questions du jour ? En vérité, ce serait abuser de la complaisance de ses adversaires. Il n’y avait qu’une voix dans les bureaux de la chambre sur la faiblesse des explications données par les ministres, sur la sécheresse du thème que chacun d’eux était venu réciter, sur les contradictions remarquées dans leur langage, sur le désaccord qui semblait exister entre M. Guizot, par exemple, venant déclarer