Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 9.djvu/390

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

exercera à ce titre une certaine action sur les intelligences et les aines, tant qu’il présentera aux fidèles les symboles révérés et puissans de la religion, le prêtre sera un germe de discorde pour les familles. Il ne suffit pas qu’il cesse de confesser nos femmes, il faut qu’il cesse de prêcher son Dieu. Il servira de peu de l’exclure de la famille, si on ne le chasse de l’autel. Vous ne demandez point qu’il se réforme, mais qu’il cesse d’être. A Dieu ne plaise que je prête ici à M. Michelet des pensées violentes, aussi éloignées de l’élévation de son esprit que de la noblesse de son caractère ! si M. Michelet propose de supprimer le prêtre, c’est comme prêtre. Comme homme, il l’aime, le recueille, s’attendrit sur son sort, le convie aux joies de la famille, et s’écrie : « Oh ! que je me sens un cœur immense pour tous ces infortunés ! Que ne puis-je de mes mains relever, rallumer le foyer du pauvre prêtre, lui rendre le premier droit de l’homme, le replacer dans la vérité et la vie, lui dire : Viens t’asseoir avec nous, sors de cette ombre mortelle ; prends ta place, ô frère, au soleil de Dieu ! »

Cependant, la logique ne s’attendrit pas, et quels que soient les sentimens personnels de l’auteur pour les prêtres, son livre a pour but évident de les représenter comme exerçant un ministère d’immoralité et d’anarchie, et d’en provoquer le plus promptement possible l’absolue suppression.

D’honnêtes lecteurs persisteront peut-être à penser qu’il s’agit ici d’une simple transformation des institutions catholiques. C’est à nos yeux bien mal comprendre M. Michelet, et amoindrir singulièrement le livre et l’auteur. Si ce livre n’a pour but que d’attaquer les abus de la confession et du célibat ecclésiastique, d’ajouter un chapitre à celui de La Bruyère sur la direction, si c’est là ce que M. Michelet veut dire quand il dénonce le prêtre comme l’ennemi de la société moderne, l’organe de l’esprit de mort, quand il demande avec l’affranchissement de la personne du prêtre l’affranchissement de son esprit, quand il le convie à reconnaître la papauté moderne non à Rome, mais à Paris, non dans les pontifes assis dans la chaire de saint Pierre, mais dans Voltaire et Napoléon, je déclare alors que le livre de M. Michelet est pour moi une énigme indéchiffrable, et que je renonce à comprendre pourquoi un homme d’un esprit si pénétrant a remué de si grandes machines pour atteindre un si mince résultat, et a réduit au récit de quelques particularités piquantes le dessein que je lui supposais de préparer une réforme religieuse radicale et universelle.

Mais non ; nous sommes assuré de ne pas nous tromper. Quel est, en effet, le fond du livre de M. Michelet ? En quelques mots, le voici :