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encore entendre sa voix ? Les motifs temporels, les intrigues des jésuites ont eu leur influence ; qui le conteste ? Qui ne sait la part qu’a eue Louis XIV à la condamnation de Fénelon ? Qu’importe ? l’histoire impartiale constate ces influences diverses ; elle voit, elle pèse tout dans ses équitables mains ; elle flétrit l’intrigue partout où elle la rencontre, même dans les conseils de la papauté ; mais aussi elle sait reconnaître la sagesse de l’église, qui, pendant une longue suite de siècles, par les pères, par les conciles, à travers mille révolutions, a maintenu dans leur équilibre les deux élémens de la vie, l’élément de la grace et l’élément de la liberté. Pourquoi la philosophie, pourquoi l’histoire ne rendraient-elles pas cet hommage à l’église ? La sagesse de l’église ne fait-elle pas honneur à l’esprit humain ? « Ne représente-t-elle pas la raison même, devant qui expirent toutes les extravagances et toutes les folies des hommes, qui maintient contre tout faux système ces deux droits éternels de l’humanité, le droit d’être soutenu dans sa course pénible ici-bas par la main divine, le droit de participer à sa destinée et de lui imprimer le sacré caractère de la responsabilité morale. Aveugles ennemis, détracteurs indiscrets des institutions religieuses, qui ne voyez pas qu’en les défigurant, c’est la raison même que vous insultez, c’est à l’humanité même que s’adressent vos outrages.

M. Michelet croit-il servir beaucoup la cause de la philosophie en nous représentant Bossuet comme un quiétiste, comme un disciple de Molinos, et cela contre toute vraisemblance, en présence des monumens où sont écrites en caractères éclatans les preuves du contraire ? Je sais bien que M. Michelet ne parle pas des opinions spéculatives de l’auteur de la Relation du Quiétisme, de l’Instruction sur les états d’oraison et de tant d’autres beaux écrits où les dangereuses tendresses du mysticisme, où les illusions et les égaremens de la spiritualité sont jugés avec une force de raison, avec une profondeur de bon sens, que nul homme n’a égalées ; il s’agit de Bossuet, directeur spirituel. C’est aussi sous ce point de vue que je l’envisage. Je dois des remerciemens à M. Michelet ; son chapitre, aussi piquant qu’inexact, sur Bossuet m’a fait relire le volume entier des Lettres de Direction de ce grand homme. Je ne crois pas qu’un ami de la philosophie et de l’humanité se puisse donner un plaisir plus relevé et plus pur que celui de méditer ce volume. Sur la foi de M. Michelet, j’y ai cherché des traces de mysticisme et de fatalisme ; j’en demande bien pardon au brillant écrivain, mais tout cela est imaginaire : je n’ai trouvé dans les lettres de Bossuet à la sœur Cornuau, et à toutes les personnes qui lui confiaient la direction de leur ame, qu’un mélange