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véritablement incomparable d’élan mystique et de mesure, de tendresse et de pureté, de sublimité et de simplicité, de noble assurance et de candeur. Nulle part, Bossuet n’est plus grand ; nulle part, il n’est plus respectable et plus aimable. Je n’hésite point à dire que les lettres de Bossuet à cette humble sœur Cornuau sont un des chefs-d’œuvre de l’esprit humain.

N’est-ce point une chose touchante de voir ce grand esprit, qui conversait avec saint Bernard et saint Augustin comme avec ses égaux, résoudre, avec une patience que rien ne rebute et avec une précision qui étonne, les cas de conscience d’une pauvre religieuse ? Ce grand évêque, qui s’était donné la mission de combattre l’hérésie partout où elle pouvait paraître, qui était pour ainsi dire à lui tout seul un concile vivant, toujours assemblé, l’œil ouvert sur toute la chrétienté, combattant Luther et Calvin dans Claude et Jurieu, le mysticisme dans Fénelon, le quiétisme dans Molinos et Malaval, l’ultramontanisme au sein de l’assemblée du clergé, écrivant dans les intervalles des ouvrages immortels, ce même homme trouve du temps pour diriger d’humbles ames, pour les affermir, pour les éclairer, pour les préserver d’elles-mêmes.

Une des choses les plus admirables qu’on trouve dans ces lettres, ce sont les règles que donne Bossuet pour la confession : M. Michelet attaque avec force cette institution catholique, et je laisse à d’autres le soin de la défendre ; mais ne peut-on signaler les abus très réels, très sérieux de la confession jésuitique, ne peut-on même discuter librement la valeur absolue de la confession sans en défigurer le caractère et sans attaquer Bossuet ? On reproche au prêtre de se substituer à Dieu dans le sacrement de la pénitence ; écoutons Bossuet « Regardez ce que je vous dis comme venant de Dieu et non de moi. Ce qui vient de l’homme ne touche point l’homme et n’entre point dans son cœur[1]. » On blâme, on flétrit la curiosité indiscrète du prêtre ; voici le sentiment de Bossuet : « Il n’improuvait pas, nous dit la sœur Cornuau, la conduite de tant d’habiles directeurs qui règlent jusqu’aux moindres pensées et affections dans les retraites, et veulent qu’on leur rende compte jusqu’à un iota de tout ce que l’on a fait ; mais pour lui il ne pouvait goûter cette pratique à l’égard des ames qui aimaient Dieu, et un peu avancées dans la vie spirituelle. » On signale avec raison le danger commun au pénitent et au confesseur de décrire certaines tentations. Écoutons encore la sœur

  1. Bossuet, Lettres de Piété et de Direction, t. Xl, édit. Lefebvre, p. 299.