de l’idée de Dieu parmi les hommes, ou, en d’autres termes, l’histoire des croyances religieuses et des systèmes philosophiques. Chaque religion, chaque système de philosophie est un développement particulier de l’idée de Dieu ; l’ordre, les lois, le progrès de ce développement, c’est l’ordre, ce sont les lois mêmes de la divine Providence. Otez les religions et les philosophies, vous ôtez la civilisation. Otez la civilisation, vous n’ôtez pas le germe de l’idée religieuse et morale, mais vous le rendez stérile. Quand un éloquent écrivain du siècle dernier prétendit écrire le symbole de la religion naturelle sous l’inspiration de la seule nature, il l’écrivait, en effet, sous la dictée d’une philosophie préparée par le christianisme. Ce n’est pas l’homme de la nature qui parle dans la profession de foi du vicaire savoyard, c’est un prêtre devenu philosophe. L’homme de la nature est un être de fantaisie, rêvé par l’imagination des philosophes du XVIIIe siècle. Ce fantôme s’est évanoui, que la religion naturelle aille le rejoindre.
La religion nouvelle est-elle une pensée plus sérieuse ? Qu’on veuille bien s’entendre. Il ne peut être question ici que d’une religion positive, c’est l’hypothèse que nous discutons. Une religion positive a un dogme ; elle a une morale, un culte, des symboles, des ministres, des autels. La religion païenne avait tout cela. Quand la religion chrétienne est venue la détruire et s’y substituer, elle a offert aux hommes d’autres dogmes, d’autres symboles, une autre morale, d’autres autels. Est-ce une révolution de ce genre qu’on nous propose ? Allons-nous avoir un nouveau Messie, des révélateurs comme Moïse ou Orphée, un conquérant-prophète comme Mahomet ? Faut-il discuter sérieusement de telles folies ? Songerait-on à une transformation du christianisme ? Autre chimère, autre folie qu’une expérience décisive a déjà plusieurs fois condamnée.
Conserver les symboles d’une religion positive en y faisant pénétrer un esprit nouveau, telle a été l’entreprise, audacieuse et stérile, d’une école célèbre. Des hommes de génie y ont mis la main. Un empereur y a épuisé son génie et les ressorts du gouvernement le plus puissant qui fut jamais. Cette tentative a échoué. Ce qui a été impossible au IIIe et au IVe siècle de l’ère chrétienne sera-t-il praticable aujourd’hui ? Où sont les Plotin, les Porphyre, les Julien du XIXe siècle ? Mais supposez qu’il se rencontre de plus grands hommes encore pour entreprendre un tel dessein ; ils ne détruiraient pas la nature des choses ; il est aussi impossible de conserver un symbole en en changeant l’esprit, que de faire passer une ame d’un corps dans un autre. Une révélation nouvelle, un christianisme nouveau, ce ne sont donc que