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de royaumes et de républiques, qui eut pour premier président Agamemnon, et pour dernier maître Alexandre. Chaque province considérable ayant ainsi une administration spéciale, il s’ensuit qu’un état gréco-slave est ordinairement une réunion de petits états juxtaposés, que la loi de leur propre conservation relie entre eux dans un conseil suprême, où se discutent les intérêts divers des pays confédérés. Évidemment sous un tel système le monarque n’a d’autre droit que celui de faire observer les lois religieuses et nationales qui régissent ces états divers, et il ne peut légitimement rien changer dans aucun de ces pays sans le consentement même des habitans. La royauté gréco-slave n’est donc qu’une présidence suprême sur un certain nombre de tribus librement associées ; cette présidence peut bien être héréditaire dans une famille, mais son gouvernement doit être sans cesse contrôlé et consenti par les représentans des tribus ou des provinces.

Après l’église, le premier élément social de tout état gréco-slave, c’est donc la province et ses assemblées ou diétines. L’organisation de la diétine, qui est notre conseil départemental élevé à la puissance d’une chambre délibérante, varie chez les Gréco-Slaves d’un empire à l’autre, mais elle se retrouve partout, même en Russie. Le pouvoir extraordinaire conservé à ces assemblées se fonde sur des bases à la fois morales et physiques. Restées plus fidèles que les Occidentaux au culte du foyer, les populations gréco-slaves se sont peu mélangées. Malgré leurs courses aventureuses, leurs instincts les ramènent toujours au lieu natal ; elles ont gardé la vie de tribu dans toute l’intensité compatible avec les progrès de la civilisation ; elles offrent encore de nos jours les mœurs des âges héroïques, moins ce que ces mœurs avaient de grossier. Parmi les membres de la tribu règne une égalité complète, une union fraternelle, une solidarité pleine d’amour, une telle uniformité de manières, qu’ils peuvent se reconnaître à mille lieues de leur patrie, au moindre accent de la parole, au moindre pli du vêtement. Élevé au-dessus du cercle étroit de la vie matérielle, leur esprit de famille se nourrit incessamment de tout ce qu’il y a de glorieux dans les souvenirs locaux. Chaque province a ses bardes qui chantent son histoire, et ces rapsodies populaires se transmettent de bouche en bouche et de siècle en siècle. La province gréco-slave n’est donc pas, comme l’est chez nous le département, un espace arbitrairement fixé par le pouvoir central ; c’est une division naturelle, primitive. Par exemple, les provinces de l’Hellade sont encore actuellement ce qu’elles étaient avant Jésus-Christ : elles ont gardé les mêmes noms