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pas, par une bizarre inconséquence, d’abolir les tribunaux ecclésiastiques, et de laisser les juges civils prononcer même en matière de divorce. Chaque province répartissait à sa guise les impôts ; chaque commune était solidaire des actions de ses enfans ; elle devait livrer elle-même au gouvernement les coupables et les malfaiteurs, et restituer aux victimes l’équivalent des vols commis sur ses terres.

La constitution nouvelle, proclamée après l’insurrection victorieuse de 1835, fut la première charte proprement dite du peuple serbe. Malgré son éducation philosophique et assez peu orthodoxe, l’auteur de cette charte, Davidovitj, dut se conformer aux idées de sa nation sur l’origine religieuse du pouvoir. C’est à la religion que, d’après la charte serbe de 1835, les citoyens doivent tous leurs droits politiques, et le souverain toutes ses prérogatives. Le sénat (soviet) est investi, conjointement avec le prince ou kniaze, de tout le pouvoir législatif. Le prince ne peut promulguer ni faire exécuter aucune loi avant que le sénat l’ait consentie et signée par la main de son président. Le sénat, qui siége en permanence, représente vraiment, le pays, partageant avec son kniaze la souveraineté. Ainsi, la Serbie est en quelque sorte une démocratie de vieillards ; la skoupchtina (chambre des communes), composée des députés des villages, et qui représente, pour ainsi dire, la jeunesse nationale, ne participe point à la confection des lois ; elle ne se rassemble momentanément chaque année que pour consentir, modifier ou rejeter l’ordonnance du budget. Cette charte ne déclare plus, comme la première, tous les Serbes nobles, mais elle les fait du moins égaux devant la loi, et la loi est indépendante du souverain ; les juges n’ont à rendre compte à personne de leurs arrêts. Aucun citoyen serbe ne peut être arrêté sans une accusation légale, ni rester détenu plus de trois jours sans subir son jugement. Sur la terre étrangère même, le Serbe reste soumis aux lois de sa patrie. Le paysan affranchi de toute servitude ne rend plus de corvée qu’à l’état, et même dans ce cas le gouvernement doit lui payer un salaire raisonnable.

Le vice principal de la charte de 1835 était que les sénateurs, bien qu’ils représentassent presque à eux seuls la portion de la souveraineté qui revient au peuple, ne devaient cependant pas leur nomination au peuple, mais au kniaze, qui choisissait de même le président du sénat. La charte statuait, il est vrai, que les ministres présenteraient chaque année un compte détaillé de leurs actes à l’assemblée nationale, et qu’en cas de violence faite par eux aux lois, ils pourraient être mis en accusation sur la demande de la skoupchtina, puis jugés par le sénat,