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des Maghyars, qui, placés dans un cas semblable, accordent aux prélats hétérodoxes les mêmes privilèges qu’aux pontifes de la religion nationale, la Pologne, chevaleresque et dédaigneuse, préféra se renfermer en elle-même. Sans avoir les mêmes conditions d’unité que les Grecs, elle décréta comme eux que l’église polonaise était seule privilégiée, que le prosélytisme contre elle était interdit, que sans encourir les peines terribles réservées à l’apostasie nul catholique romain ne pouvait passer à une autre église. Ces dispositions impolitiques, dans un royaume comme la Pologne, étaient cependant inspirées par un principe éminemment gréco-slave, celui qui cherche avant tout l’unité sociale et déclare indissolubles les liens entre l’église et l’état. De là que peut-on conclure, sinon que les contradictions et les malheurs, pour toute société chrétienne d’Orient qui se fait latine, sont aussi inévitables qu’ils le seraient pour une société occidentale qui se ferait grecque ?

La charte du 3 mai abrogeait l’éligibilité du pouvoir royal, et le déclarait héréditaire et inviolable ; mais les ministres étaient responsables devant la diète de tous les actes du monarque. Tout le pouvoir exécutif appartenait au roi ; mais la souveraineté proprement dite, c’est-à-dire le droit de décréter les lois, l’impôt, la paix ou la guerre, restait encore aux mains de la diète. Cette assemblée suprême se composait de deux chambres : celle des sénateurs, et celle des nonces ou députés. Le sénat n’était qu’un conseil royal où siégeaient les ministres, les évêques, les voievodes, les castellans : il n’avait pas l’initiative des lois réservées à la chambre des nonces, et il était même obligé de souscrire toute loi qu’il avait d’abord rejetée, si elle était une seconde fois votée par les nonces. Les députés polonais, comme ceux de Hongrie, étaient responsables de leurs votes devant les collèges électoraux. Ces collèges étaient encore, il est vrai, de deux espèces : il y avait les collèges nobles et les collèges bourgeois ; mais les uns et les autres jouissaient de droits égaux. À ces collèges pouvaient assister et voter tous les citoyens, c’est-à-dire tous les propriétaires, tant nobles que roturiers, de la Pologne. L’effet de cet article, qui établissait sur une large base l’existence politique des classes moyennes, était encore fortifié par la restitution assurée aux cités de toutes les anciennes franchises communales dont elles avaient joui avant les usurpations aristocratiques.

Il restait à opérer une restitution encore plus importante, c’était celle de la liberté à tous les kmietses ou serfs du royaume. La charte du 3 mai les déclare en effet libres ; et tout esclave, fût-il musulman, dés