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une résistance plus forte : c’est là un fait que démontre la moindre expérience.

Il n’est donc pas étonnant qu’en certaines circonstances, soit par défaut d’espace, soit par nécessité de fortifier quelques parties d’un édifice, soit même par caprice de décoration, on ait employé accidentellement cette forme. Il n’y a rien là qui constitue l’époque de transition. La présence d’une ogive dans un monument à plein cintre ne commence à tirer à conséquence que lorsqu’elle résulte évidemment d’une intention systématique, d’un parti pris, lorsque ce procédé de construction est mis en regard du système semi-circulaire avec le dessein d’établir entre eux une sorte de lutte, et de remplacer au moins partiellement l’un par l’autre.

Toute la question est donc de savoir comment se révèlent cette intention systématique, ce parti pris, cette lutte ? Rien n’est plus clair, toutes les fois qu’au lieu d’ogives éparses, égarées, vous voyez apparaître soit des séries d’ogives entremêlées à des séries de pleins cintres, soit l’ogive régnant seule à certains étages ou dans certaines parties spéciales de l’édifice . Il faut pourtant y regarder de près, surtout lorsqu’il s’agit des voûtes. On rencontre des monumens entièrement à plein cintre, dont toutes les voûtes sont à ogive, mais la plupart du temps ces voûtes ont été construites un siècle ou deux après le monument.

N’oublions pas que si les voûtes d’arête furent en usage dès les beaux siècles de l’architecture romaine, elles disparurent presque entièrement au milieu des temps de barbarie, et que, dans la plupart des églises bâties avant le XIe siècle, on voyait, en guise de voûtes, des plafonds horizontaux composés de poutres apparentes plus ou moins ornées. Ces plafonds ne cessèrent pas complètement d’être employés durant le XIe siècle, ni même pendant le commencement du XIIe ; on en trouve encore aujourd’hui des exemples dans des églises d’Angleterre postérieures à la conquête, telles que celles de Winchester, d’Ely et de Peterborough. C’est seulement vers le milieu du XIIe siècle que l’usage de voûter les grandes nefs et les transsepts des églises commença à devenir universel. Alors on ne se contenta plus de construire des voûtes dans les églises qu’on bâtissait à nouveau, on en ajouta dans les églises anciennement bâties, et comme l’ogive, en ce temps-là, devenait la forme dominante, les voûtes substituées aux vieux plafonds furent presque toutes des voûtes à ogive.

Avant donc de rien conclure de la présence d’une voûte à ogive dans un monument entièrement à plein cintre, il faut s’assurer si la