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elle devrait plutôt, dans l’intérêt de sa gloire, redemander aux Slaves restés primitifs les élémens de sa propre réorganisation ?

Ces élémens constitutifs du régime slave se résument dans un fait général, qui est la solidarité ou la participation de tous à l’action commune, d’où résulte le droit de chacun à être représenté politiquement dans l’état, et la nécessité pour l’état de subir la loi nationale. Le grand principe gouvernemental qui sert de base à cette union intime de la nationalité et de l’état, chez les Gréco-Slaves, est l’indépendance intérieure des familles, des communes, des cités et des tribus ou provinces. Comme chaque famille se régit au dedans par un conseil, et agit au dehors par un chef élu et constamment révocable, de même en est-il pour la commune, la cité, la province. Comme le conseil communal se compose d’une réunion de staréchines ou pères de famille, de même le conseil provincial se forme d’un certain nombre d’envoyés des communes, dont le président représente, près du gouvernement royal, la province entière ; de même enfin le conseil national, qui n’est que le gouvernement, se compose des députés des diverses provinces présidés par le roi, qui représente dans le monde la nation entière. Ce système est, on le voit, une combinaison de démocratie à l’intérieur et de monarchie au dehors. L’aristocratie, considérée comme classe à part, comme noblesse de sang, est naturellement étrangère à un tel régime. Tout vrai Slave est noble, puisqu’en qualité de membre d’une famille indigène, il participe nécessairement, dans une mesure quelconque, à l’exercice du pouvoir souverain. Ce droit de noblesse ou d’inviolabilité des familles et des communes rend impossible toute centralisation administrative ; chaque famille a, pour ainsi dire, son dieu lare ; chaque cité, chaque province a son génie, son conseil, et s’administre elle-même par des magistrats de son choix.

On voit combien le tsarisme moderne a dénaturé les trois grands principes sociaux des Gréco-Slaves : la participation du peuple au pouvoir souverain, l’absence de noblesse ou l’égalité des familles, et l’absence de centralisation administrative ou l’autonomie des communes. Par suite de son origine violente et de son caractère factice, le régime russe moderne est presque en tout l’opposé du génie slave, puisqu’il tire le pouvoir d’en haut, et le fait découler du trône sur tout le pays, au lieu de le faire naître comme un grand fleuve de la multitude des sources locales. Loin d’être la conséquence logique et suprême de tout l’ordre social, le tsarisme s’impose au contraire à toute la société