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quelque fondée qu’elle soit en raison, en fait elle n’est pas infaillible. Ce n’est pas là une de ces règles qui reposent sur des observations constantes et invariables. Lorsque l’architecture à ogive est parvenue à sa maturité, lorsque le XIIIe siècle, cette époque d’ordre et d’organisation, est venu lui donner des lois fixes et régulières, on peut sans témérité, nous l’avons vu, poser les jalons d’une classification chronologique. C’est qu’en effet il s’opère alors, tous les vingt-cinq ou trente ans, soit dans les procédés de construction, soit même dans les principes architectoniques, une modification plus ou moins légère, mais toujours assez appréciable pour servir d’indication à l’archéologue. Cette modification, il est vrai, peut n’être pas adoptée partout en même temps, mais elle finit toujours par pénétrer dans tous les lieux où l’architecture à ogive est établie. Il suffit donc de savoir, et l’observation nous l’apprend bientôt, que certaines nations ou certaines provinces sont plus ou moins précoces, c’est-à-dire accueillent en général plus ou moins promptement ces sortes d’innovations, pour en conclure, avec une certitude scientifique, que telle ou telle particularité dans le style d’un monument doit, selon le lieu où on l’observe, faire attribuer sa construction à telle ou telle période du XIIIe, du XIVe ou même du XVe siècle. Dans l’époque de transition, au contraire, rien n’est assis, rien n’est réglé ; on essaie de tout en même temps et en tous lieux ; on revient, après de longs intervalles, aux essais qu’on a d’abord tentés ; c’est un va-et-vient continuel, une hésitation générale en matière de goût. Le siècle est novateur et incertain ; son esprit se reflète sur ses monumens. Il ne faut donc pas s’étonner que, dans cette bigarrure, nous cherchions vainement un de ces principes régulateurs qui servent de base à une classification scientifique. Comment généraliser ce qui est variable à l’infini, et à quoi bon poser les règles, quand il faudrait, au même instant, pour chaque pays et pour chaque sorte de monumens, faire courber ces règles devant d’inévitables exceptions ? Découvrira-t-on jamais une loi commune à toutes les productions architecturales de cette époque, une loi qui rende compte de leur inexplicable diversité ? Nous voulons bien ne pas en désespérer, tout en nous résignant, quant à présent, à ne déterminer que très approximativement et avec une grande réserve l’âge relatif de ces monumens.

Mais si l’époque de transition, considérée dans ses phases successives, est encore pleine d’obscurité, est-elle également impénétrable lorsqu’il s’agit seulement de fixer ses premières limites, de découvrir son véritable commencement ? Nous ne le pensons pas. Assurément personne ne saura jamais quel est le jour, quelle est l’année où, pour