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Voyons seulement comment le journaliste et le professeur se sont depuis lors maintenus dans l’homme public.

Ce n’est pas le lendemain des journées de juillet qu’on pouvait demander à M. Girardin de revenir à la littérature : de toute façon, la politique devait avoir son quart d’heure de suprématie. Le Journal des Débats, dans ces graves circonstances, avait plus que jamais besoin de ses jeunes collaborateurs ; M. de Châteaubriand s’était tout-à-fait retiré devant le nouvel ordre de choses, et de son côté M. de Salvandy, qui fuyait le voisinage de la révolution, avait cessé de donner des articles. Jusqu’à son entrée à la chambre, M. Saint Marc fut donc, avec M. de Sacy, le rédacteur actif et toujours prêt de la partie politique des Débats. Les temps étaient durs : il fallait être tous les jours sur la brèche, vis-à-vis de l’insurrection républicaine et de l’insurrection royaliste ; mais bien avant ces révoltes-là une première émeute s’était rencontrée, l’émeute des solliciteurs. Ce fut la petite pièce comique après le drame de juillet. On se rappelle, dans la Curée de M. Barbier, la cynique peinture de ces prétendus révolutionnaires du lendemain,

Effrontés coureurs de salons,
Qui vont de porte en porte et d’étage en étage
Gueusant quelque bout de galons.


La Curée ne fut publiée par la Revue de Paris que le 20 septembre 1830 ; l’article sur les Solliciteurs parut dans les Débats du 16 août. Ce n’était pas, on le devine, la verve brutale du faiseur d’iambes ; mais, sans se laisser troubler par ce bruit de canon dont l’air semblait ébranlé encore, M. Saint-Marc retrouvait son esprit railleur de la veille et écrivait la comédie de l’insurrection intrigante. On voyait sous sa plume les bataillons d’habits noirs s’élancer dès le matin de tous les quartiers de Paris et faire le blocus des ministères ; on voyait cette foule agile se précipiter vers les antichambres, à pied, en fiacre, en cabriolet, suant, haletant, la cocarde au chapeau, le ruban tricolore à la boutonnière, la pétition sous le bras. Il en venait de tous les régimes, de toutes les générations, de toutes les provinces ; les coches arrivaient remplis, les impériales des pataches étaient surchargées, et les six chevaux des diligences soufflaient, attelés à tant d’intrigues. « Tout, disait M. Girardin, se remue, s’ébranle, se hâte, le nord, l’orient, l’occident, et, pour comble de maux, la Gascogne, dit-on, n’a pas donné. » Mais citons quelques lignes :

« Il y a quinze ans, en 1814, les martyrs de la fidélité inondaient les anti-