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l’éducation professionnelle. Ce qui me frappe surtout dans ces deux livres, c’est le vif amour des choses allemandes ; je le retrouve empreint à toutes les pages. Comment un critique aussi positif a-t-il pu se complaire à une littérature où la rêverie domine ? Comment un professeur naturellement imbu de la tradition universitaire a-t-il pu parler avec sympathie de ces écoles industrielles de l’Autriche où le dessin linéaire a remplacé sans façon l’étude du grec ? Nous retrouvons là le tour indépendant qu’affectionne l’esprit tout personnel de M. Girardin. Vous croyiez que les brouillards du Rhin allaient l’enrayer, que les mythes lui répugneraient, qu’il ne se donnerait jamais le temps de discerner à travers la brume les méandres capricieux de cette poésie ; et le voilà au contraire qui brave tout et se jette, en pleine Forêt-Noire, dans les sombres profondeurs des Niebelunyen. C’est qu’avec lui cette forêt s’illumine si bien qu’on voit devant soi : seulement, prenez garde que ces jeux de clarté ne soient factices, et que, le magicien parti, vous ne retombiez dans les ténèbres. Tacite, avec son merveilleux langage, a peint d’un mot ces bandes germaines dont le vent apportait de loin le bruit à Germanicus, inconditi agmninis murmur ; en entrant dans la littérature allemande, on éprouve quelque chose d’analogue. Mais, quand les Romains revinrent plus tard, ces armées confuses s’étaient disciplinées, elles avaient des drapeaux et des chefs, insueverant sequi signa. Chez M. Girardin, c’est cette dernière Allemagne seulement, c’est l’Allemagne ordonnée et régulière qu’on rencontre ; l’écrivain a transporté ses qualités à son sujet même, le peintre s’est un peu peint dans le portrait. Il y a des inconséquences qu’on aime ; passons donc à M. Saint-Marc son faible pour l’Allemagne et cette indulgence dont il fut un peu prodigue au-delà du Rhin, un peu avare en deçà.

Dans son livre de l’Instruction intermédiaire, comme dans le Rapport sur le projet de loi de l’instruction secondaire, qu’il fit à la session de 1836, et qui annonçait déjà dignement l’excellent morceau de M. Thiers, M. Saint-Marc Girardin sut ne pas cacher son penchant pour les études professionnelles. Avec nos préjugés de collége et de la part d’un professeur en Sorbonne, il y avait presque là du courage. C’est que le moraliste (chez M. Girardin il aime à tout se subordonner) avait été frappé d’un vice flagrant de la société française. Notre système actuel d’éducation éveille en effet des ambitions et des amours-propres qu’on ne peut ensuite satisfaire, et qui, par l’étude, n’ont pas eu le temps, le loisir de se rendre légitimes. Le collége, évidemment, donne trop de ces demi-connaissances avec lesquelles