Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 9.djvu/531

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette race étrangère. Les temples, dont il subsiste des vestiges considérables, sont tous de style égyptien ; mais ces vestiges eux-mêmes, comme on le verra plus bas, attestent le peu d’ancienneté de la colonie égyptienne.

Il paraît peu vraisemblable que les Samiens fussent venus s’établir de prime-abord au milieu du désert libyque ; on doit croire qu’ils s’étaient, en premier lieu, fixés dans un canton de l’Égypte, situé en Thébaïde, à portée de l’oasis, en sorte que cette colonie ne serait qu’un démembrement d’une colonie grecque établie antérieurement sur le bord du Nil. Quand on cherche le point d’où les Grecs ont dû partir pour fonder cette colonie, on n’en trouve pas de plus favorable qu’Abydos, ville située à la moindre distance entre la Grande-Oasis et l’Égypte, et qui, par sa position et son ancienne importance, a été regardée avec raison comme ayant été jadis le point où les caravanes d’Éthiopie entraient en Égypte à la sortie du désert, après avoir traversé l’oasis. Cette considération donne quelque consistance au passage où Étienne de Byzance attribue la fondation d’Abydos à une colonie milésienne[1]. Ce passage a été rejeté comme indigne de confiance. En effet, l’existence antérieure de la ville égyptienne d’Ebòt, dont les Grecs ont fait Abydos, est démontrée non-seulement par la description que Strabon[2] a faite de ses monumens, mais par les monumens eux-mêmes, dont les restes appartiennent au temps de Menephtah Ier ; mais rien n’empêche à présent de croire qu’une colonie de Grecs de l’Asie-Mineure, détachée du Delta, se fût établie dans cette ville ou dans son voisinage, au temps d’Amasis, comme les Cariens et les Tyriens s’établirent à Memphis vers la même époque.

Un autre fait, qui se lie avec l’établissement des Grecs en divers points de l’Égypte, est aussi rapporté par Hérodote. Il dit que Psammitichus s’empressa de confer aux Grecs, dès qu’ils furent établis dans le Delta, des enfans du pays pour apprendre parfaitement la langue grecque[3] et servir d’interprètes entre les deux peuples. Remarquons que les Égyptiens font ici les avances ; ce sont eux qui veulent apprendre le grec, et non les Grecs l’égyptien, car Hérodote ne dit pas que ceux-ci aient donné à leur tour des enfans grecs pour qu’on leur enseignât la langue du pays. En ceci se montre le peu de goût qu’ils ont toujours eu pour les langues étrangères, et le peu d’empressement qu’ils ont mis à les apprendre.

  1. Steph. Byz.
  2. Strab., XVII, p. 813.
  3. Herod., II, 154.