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de cette résolution qui, en janvier 1842, a mis le sceau à sa fortune. C’est là pour M. da Costa-Cabral une époque obscure, où il a pu deux ou trois fois tomber sans bruit et sans bruit remonter au pouvoir. Depuis janvier 1842, M. da Costa-Cabral appartient véritablement à l’histoire ; nous essaierons bientôt d’expliquer l’homme d’état et le ministre : pour bien faire comprendre l’homme, il fallait d’abord placer à côté de l’avènement définitif les vicissitudes du début et surtout le point de départ. Tel on l’a vu dans cette pénombre qui enveloppe les commencemens de sa carrière, tel on le va retrouver aux affaires, énergique et déterminé jusqu’à l’emportement bien des fois et jusqu’à la témérité, l’instant d’après irrésolu jusqu’à la faiblesse, d’un talent inégal comme son caractère, frappant de grands coups pour trancher de petites complications, et compromettant les plus graves intérêts faute de recourir aux plus simples principes du gouvernement ou de l’économie sociale ; orateur impétueux, incorrect, un peu trop exclusivement préoccupé de sa fortune particulière, non pas, il est vrai, de sa fortune matérielle, — M. da Costa-Cabral est demeuré pauvre et sa probité n’a jamais été mise en question, — mais bien de sa fortune politique. C’est pour lui un malheur véritable que tous ses anciens bienfaiteurs soient en ce moment et par lui persécutés, exilés, ou du moins éloignés des affaires : M. Silva-Carvalho, qui le premier lui a confié des fonctions publiques ; MM. Vieira de Castro et Sanches, sans lesquels peut-être il ne serait jamais venu siéger aux cortès ; M. le comte de Bonifiai, qui, au moment le plus critique, lui ouvrit au pouvoir un chemin rapide et direct.

M. da Costa-Cabral étant à la fois la tête et le bras de l’administration portugaise, il est inutile qu’on s’arrête ici à parler des autres membres du cabinet. L’illustration de M. le duc de Terceira, président du conseil et ministre, de la guerre, remonte à une époque meilleure, à celle où la reine constitutionnelle eut enfin raison de l’infant. Les autres collègues de M. da Costa-Cabral, MM. Falcâo, Gourez de Castro et de Tojal, les ministres de la justice et du culte, de la marine et des colonies, des affaires étrangères et des finances, ne sont pas, à vrai dire, des personnages politiques. Les deux derniers, pourtant, ont exercé sur la situation financière de leur pays une influence notable, dont l’effet se fera long-temps encore sentir.

Solidement établie au palais, appuyée par le corps diplomatique, on conçoit que dans les deux chambres l’autorité de M. da Costa-Cabral soit à peu près irrésistible. La chambre des pairs, où M. da Costa-Cabral vient lui-même tout récemment de se donner un siége, est un corps sans initiative et sans indépendance. Les illustrations du pays, anciennes ou nouvelles, miguélistes et libérales, en sont aujourd’hui, ou peu s’en faut, complètement absentes. La noblesse miguéliste se tient dédaigneusement à l’écart ; peu importe que l’on soit parvenu à rallier quelques barons et quelques vicomtes, on n’a rien pu encore sur l’esprit des plus considérables partisans de l’infant déchu. Quant aux vieux soutiens de la cause constitutionnelle, ils sont pour la plupart en dehors des affaires ; le maréchal Saldanha, cet arrière-petit-fils de Pombal, à