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positif, par les réformes pratiques, qu’un tel pays doit être régénéré. Aux cortès, M. Passos est un orateur chaleureux et fécond, un peu trop amoureux de la tribune, un peu trop enclin aux développemens parasites et à la digression ; mais chez ces populations méridionales, qui se laissent prendre aux charmes de la parole autant pour le moins qu’aux mérites de la pensée, est-ce là un bien grave défaut ?

Avec M. Passos, MM. Garrett et Julio se maintiennent depuis trois ans à leur poste, sur la brèche ; tous les trois ont pour auxiliaire ou plutôt pour compagnon de lutte un jeune homme doué d’une spirituelle et vive éloquence, M. Jose Alexandre. M. Julio a fait partie déjà d’un cabinet septembriste ; M. Garrett est le plus élégant publiciste de son parti, le plus remarquable poète qui dans la littérature portugaise se soit produit depuis bien long-temps. Il y a quelques mois, les septembristes ont conclu une sorte d’alliance offensive avec presque tous ceux des chartistes qui ont déjà siégé dans les conseils de la couronne : M. Mousinho d’Albuquerque, qui, le premier après la chute de l’infant, a proclamé la charte ; M. Avila, esprit un peu trop généralisateur, mais que de fortes études en finance, en économie politique, ne peuvent manquer de ramener tôt ou tard aux affaires ; M. Rodrigo da Fonseca-Magalhâes, que M. da Costa-Cabral a écarté de sa route, un peu trop violemment peut-être, pour se mieux saisir du pouvoir ; M. Aguiar, un des membres les plus estimés du suprême conseil de justice, qui, avant M. da Costa-Cabral, a fait partie de presque tous les cabinets chartistes. À ces adversaires du premier ministre, nous joindrions le président du sénat lui-même, M. le duc de Palmella, M. de Bomfim, M. Sà da Bandeira, si M. de Bomfim, en se réfugiant à l’étranger, et M. de Palmella, en y allant fixer volontairement son séjour, n’avaient, pour le moment, laissé le champ libre à M. da Costa-Cabral, et si les forces de M. le vicomte de Sà da Bandeira, épuisées par les fatigues de la vie publique, ne trahissaient aujourd’hui ses plus fermes résolutions.

À la coalition qui vient de se conclure entre ses amis d’autrefois et quelques-uns de ses amis de la veille, devenus tout à coup d’acharnés adversaires, M. da Costa-Cabral oppose les deux chambres presque tout entières, le sénat où le gouvernement introduit selon ses caprices ses plus dévoués partisans, la chambre des députés où les fonctionnaires amovibles forment l’immense majorité. Nous avons sous les yeux les procès-verbaux de la dernière législature ; nous y voyons que souvent, sur soixante-dix, quatre-vingts députés appelés à donner leurs suffrages, dix, douze, quinze tout au plus jouissent d’une certaine indépendance. Dans la liste où s’inscrivent les votes nominaux, vous n’apercevez que gouverneurs civils, conseillers du trésor, juges récemment destitués de leur inamovibilité, officiers que le gouvernement peut à son gré priver de leur grade, simples employés dans les ministères. Les députés ne sont pas soumis à l’élection directe ; le pays se divise en un certain nombre de districts dont chacun nomme ses électeurs ; les électeurs se réunissent au chef-lieu de la province et nomment à leur tour