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gré les ajournent indéfiniment ; c’est une maxime reçue que tout va le plus régulièrement possible, quand le gouvernement a préparé ou même décrété les lois, s’il se donne la peine de réunir les représentans de la nation pour leur demander un bill d’indemnité.

Dans cette masse si peu soucieuse de la dignité politique et de la dignité personnelle, si bruyante, si indisciplinée en apparence et au fond si obéissante, il est inutile de chercher le talent, le savoir, l’expérience des affaires. M. da Costa-Cabral mis à part, deux hommes seuls gouvernent despotiquement la chambre : le président, M. Bernardo Gorjâo Henriques, et le frère aîné du ministre dirigeant, M. Jose Bernardo da Costa-Cabral. M. Gorjâo est un ancien septembriste, qui tout à coup s’est converti au chartisme, sous l’empire même de la révolution de septembre, à un moment où il n’était pas sans danger de se prononcer contre les opinions dominantes. Dans les cortès qui ont voté cette constitution, M. Gorjâo a fait preuve d’un réel courage ; seul et bravant les colères de la majorité et les vociférations, les menaces de la foule ameutée dans les tribunes publiques, M. Gorjâo ne laissa pas échapper une occasion de proclamer ses nouveaux principes. Pour BI. Gorjâo, c’est là une époque véritablement glorieuse : nous doutons fort que, par sa présidence, il acquière les mêmes titres à l’estime et à l’admiration de ses ennemis. Aujourd’hui que son parti est aux affaires, M. Gorjâo est aussi intolérant qu’il pouvait être agressif, il y a six ans environ. Sans fortune et par cela même placé sous la dépendance immédiate du ministère, il le représente à la tête de la chambre d’une façon si notoire, qu’on ne songe plus même à lui en faire un grief. C’est lui qui, en 1843, agita les cortès et les cercles politiques de Lisbonne, tout exprès pour fournir à M. da Costa-Cabral une occasion de remanier son cabinet et d’en éloigner ceux de ses collègues, MM. Mello et Campelo, qui lui pouvaient inspirer quelque ombrage. M. Jose Bernardo da Costa-Cabral est le seul homme peut-être de la majorité dont la coalition ne conteste point la capacité. Sous dom Miguel, Jose Bernardo était déjà célèbre pour s’être prononcé à Porto en faveur de l’infant. Dom Pedro le nomma pourtant juge à Lisbonne ; il ne sut pas longtemps se maintenir à ce poste : l’empereur-régent ne tarda pas à le destituer par un décret spécial. M. Jose da Costa-Cabral est un des meilleurs avocats du royaume ; par la force de son esprit, par la réelle étendue de ses connaissances, il exerce à la chambre un ascendant souvent irrésistible. Simple gouverneur civil de Lisbonne, il s’efface volontairement devant son frère, et lui cède le premier rôle. Ce rôle serait le sien peut-être, s’il savait assouplir un peu son caractère et contenir des emportemens qui enlèvent les suffrages, mais en lui aliénant toutes les sympathies.

MM. de Gorjâo et Jose da Costa-Cabral ne sont pas les seuls qui, dans la majorité, aspirent à une certaine renommée parlementaire ; à côté d’eux, il faut citer, pour être juste, un ancien soldat de Napoléon, aujourd’hui aide-de-camp du roi dom Fernando, le vicomte de Campanhàa, qui, avec le père Marcos, représente à la chambre les plus secrètes pensées de la cour. Le