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nous avons constaté soigneusement toutes les ambitions, toutes les influences qui se disputent le royaume ; pénétrons maintenant au cœur des problèmes, qui s’y débattent : on verra que nulle part en Europe, pas même dans cette Espagne qui à tout propos s’agite et où tout se discute encore, on n’a au fond de plus vives inquiétudes ni de plus graves préoccupations. A ceux qui ne sub-ordonnent à rien le triomphe des institutions libérales, pas même aux progrès, matériels, le Portugal paraîtra maintenant moins avancé qu’à l’époque où pour la première fois dom Pedro promulgua la charte : le Portugal a perdu les vieilles franchises que les lois nouvelles lui devaient rendre mieux formulées, plus complètes, mieux appropriées aux besoins de ce siècle où nous vivons ; et quant à la charte, elle est en ce moment si souvent éludée, méconnue, violée, qu’il n’est plus possible de la prendre au sérieux. Une telle situation n’est pas tolérable ; M. da Costa-Cabral serait parvenu à rétablir l’équilibre dans les finances et à réhabiliter le crédit national, il aurait relevé le commerce, l’industrie, l’agriculture, — et l’on va voit par quels abîmes on est séparé encore d’un si magnifique résultat, — qu’il serait sans excuse de ne rien tenter pour former l’opinion publique et pour l’éclairer, pour rendre enfin son pays apte au légitime et sain exercice des libertés constitutionnelles. Il y a plus : en dehors de ces libertés, il est impossible aujourd’hui, et en ce qui concerne le Portugal nous en donnerons la preuve péremptoire, que l’on fonde jamais rien de bon, rien de grand ni de durable, Que les hommes de courage et d’intelligence prennent les hardies et fécondes initiatives, en aucun pays sûrement on n’y peut trouver à redire : c’est là leur rôle obligé, nous ajouterions même leur mission providentielle ; mais que, s’isolant de leur pays et le maintenant dans l’ignorance de son lendemain, ou, qui pis est encore, dans l’indifférence politique, ils aient la prétention d’accomplir à eux seuls l’œuvre sociale tout entière, il est évident qu’ils se préparent de rudes mécomptes. Sans parler des passions et des répugnances contre lesquelles il se faut débattre à mesure que l’œuvre se poursuit, on sait combien peu on se doit fier à cette indifférence des masses ; on sait par quels emportemens elles ont coutume d’en sortir, et que, le moment venu, sous l’ardent soleil du midi surtout, elles n’en ont pas pour un jour à détruire ce qu’on a pu mettre un demi-siècle à fonder.


II – QUESTIONS CONSTITUTIONNELLES. – LA CHARTE ET LA CONSTITUTION DE SEPTEMBRE. - LE CLERGE, LES UNIVERSITES, L'ARMEE, LA MAGISTRATURE.

Le tort principal de M. da Costa-Cabral et de ses collègues est de compter un peu trop absolument, nous venons de le dire, sur la tranquillité ou plutôt sur la torpeur à laquelle, après tant de convulsions et de crises, le Portugal paraît s’être depuis quelque temps résigné. Pour les étrangers dont l’attention n’a jamais été en ce siècle attirée vers ce pays que par le bruit de révolutions sanglantes, une telle quiétude est véritablement inconcevable ; quelles