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Belem, chartistes et septembristes paraissaient enfin s’entendre sur ce point capital ; on eût satisfait les chartistes en maintenant la chambre haute, mais c’est d’après les principes généraux des septembristes, nous voulons dire en recourant franchement à l’élection populaire, qu’on l’aurait dû composer. En restaurant la charte, telle que l’a proclamée dom Pedro, à une époque où l’expérience n’en avait point signalé encore le vice radical, M. da Costa-Cabral a commis une faute réelle, et nous croyons que le jeune ministre s’en est déjà plus d’une fois repenti.

Sous la constitution de septembre, l’élection des députés n’avait lieu qu’à un seul degré ; la charte a rétabli le double vote, et nous pensons que pour le gouvernement c’est encore là un très grand péril. Les électeurs qui nomment les députés, le gouvernement les tient, pour ainsi parler, sous la main, et l’on a vu déjà quelle chambre un tel système peut enfanter. Rien de mieux, assurément, si la chambre élective ne doit avoir d’autre rôle que d’enregistrer les lois et d’accorder les bills d’indemnité ; mais est-il besoin de dire combien, en avilissant ainsi la représentation nationale, en amoindrissant son action, parlons mieux, en l’annulant tout-à-fait, c’est la protestation à main armée que l’on provoque, la protestation par l’émeute et le pronunciamiento ? La constitution de septembre reconnaissait le droit d’association ; elle le proclamait d’une manière beaucoup trop absolue, chose.dangereuse dans un tel pays, où le goût, l’amour de la conspiration était passé à l’état chronique. La charte a fait pis encore, elle a supprimé complètement ce droit, dont l’exercice mieux défini, sérieusement contrôlé par le gouvernement, pouvait imprimer chez un peuple si peu avancé une impulsion féconde à l’industrie, au commerce, à l’agriculture. Au fond, une si sévère interdiction n’a eu pour effet que de supprimer les associations utiles, légitimes, celles qui, pour réussir, se doivent constituer au grand jour ; on verra plus loin quelle situation intolérable elle fait aux sociétés industrielles et commerciales ; elle ne peut rien contre ces fameuses sociétés maçonniques dont le Portugal est depuis un siècle rempli jusque dans la plus petite ville, qui en politique prennent parti et conspirent incessamment contre le cabinet ou contre la royauté. Depuis les derniers bouleversemens, ces sociétés se sont profondément divisées en chartistes et en septembristes ; les unes et les autres ont ouvertement pour chefs les plus importans personnages politiques ; M. da Costa-Cabral lui-même se trouve, de notoriété publique, à la tête de la maçonnerie chartiste, qui n’a pas peu contribué à son avènement. C’est ainsi, nous l’avons déjà remarqué au sujet de sa politique générale, que, pour surmonter les petits obstacles, le cabinet portugais prend de ces hautaines mesures qui, sans réprimer ni prévenir les grands maux, ne manquent jamais d’enrayer le progrès social.

Pour mieux faire connaître encore le caractère de la charte, il nous suffira de rappeler quelles maximes professent M. da Costa-Cabral et ses collègues à l’égard de l’initiative parlementaire, et de la part que doivent prendre les chambres aux travaux législatifs. Cependant, que la prérogative royale puisse