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juntes n’aient point conservé une grande indépendance, refroidit de beaucoup l’ardeur du gouvernement. Aussi, jusqu’à l’heure même où nous sommes, n’avait-on point songé à exécuter la loi qui pourtant avait été revêtue de toutes les formalités nécessaires avant le pronunciamiento de Torres-Novas.

Pourtant, comme en définitive la loi était faite, le cabinet a voulu en tirer tout le parti possible, et récemment, il y a quelques jours à peine, il a témoigné l’intention de réaliser, donnant pour garantie l’impôt des routes, un colossal emprunt de 20,000 contos (120 millions de francs). 20,000 contos ! plus d’argent qu’on n’en pourrait trouver dans tout le Portugal ! Cet emprunt, qui d’ailleurs s’établirait contre le vœu hautement manifesté aux cortès, à l’époque où l’on a voté l’impôt, entraînerait, s’il était sérieux, des abus et des inconvéniens plus graves encore que ceux du fameux contrat des salpêtres, des savons et des tabacs. Le crédit public est aujourd’hui si épuisé, que, pour attirer les souscripteurs, la compagnie qui avancerait les fonds au gouvernement serait obligée de promettre un intérêt annuel de 7 pour 100 au moins. Outre qu’en faisant ces avances, à mesure même qu’elle les pourrait faire, elle trouverait le moyen, comme la compagnie des tabacs, non-seulement de s’indemniser par l’impôt, mais de réaliser d’énormes profits, elle aurait le droit d’établir sur toutes les routes nouvelles des droits de péage, qui porteraient à leur comble les mécontentemens des populations. En résumé, pour avoir des routes, le Portugal paierait des impôts comme la France, où l’état fait lui-même ouvrir et chaque jour améliorer les grandes voies de communication, et en même temps il s’assujettirait à des droits de péage, comme l’Angleterre, où, à leurs risques et périls, les compagnies particulières mènent à bout ces grandes entreprises. Arrêtons-nous là, car nous courrions le risque d’insister sur de pures chimères. À Lisbonne même, cet emprunt de 20,000 contos n’est point regardé comme sérieux. Si, depuis quelque temps, on en a partout répandu la nouvelle, c’est uniquement pour déterminer les capitaux redevenus tout à coup bien timides à reparaître sur la place, une sorte de manœuvre pour relever et soutenir les fonds publics, aujourd’hui si complètement tombés.

Il faudrait bien, cependant, en finir une bonne fois avec ces équivoques moyens de bourse, qui font payer par de cruelles catastrophes l’animation fiévreuse qu’ils provoquent un instant à la surface du pays. Sans compter cette convention nouvelle, qui, dit-on, lui doit donner 20,000 contos, M. da Costa-Cabral a contracté, depuis son avènement, vingt-trois emprunts environ : qu’a-t-il gagné à spéculer ainsi sans ménagement ni mesure sur le crédit de ce pauvre petit royaume ? Pour se maintenir M. da Costa-Cabral a besoin d’avoir constamment recours à ces expédiens des opérations mixtes, sans exemple dans les pays les plus obérés, et qu’il est bon d’expliquer pour donner une idée de la dévorante promptitude avec laquelle va chaque jour s’agrandissant l’abîme du déficit. En Portugal, quand les employés, réduits à une, intolérable misère, ne peuvent pas même toucher une légère avance