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que la crédulité publique s’en est enfin révoltée : il ne faut plus songer maintenant à lui tendre de ces grossiers piéges, et d’ailleurs le malaise général a singulièrement rétréci la surface, que le Portugal pouvait offrir à ces immorales spéculations. En juin 1844, malgré un très fort mouvement de hausse, il n’était pas même possible de vendre à 52. Depuis plus long-temps encore que la place de Lisbonne, les places de Paris et de Londres se tiennent en garde contre de telles manœuvres ; et la preuve, c’est que le gouvernement portugais n’a jamais pu tirer parti de la hausse, soit pour amortir une partie de la dette étrangère, soit pour la convertir. Aussi, quoi qu’on en puisse dire, les capitalistes, en possession des plus sûrs revenus de l’état, répugnent-ils maintenant à traiter avec le ministère : à quoi leur servirait d’émettre de nouveaux emprunts qui n’offriraient aucune chance à l’agiotage ? Les uns et les autres n’aspirent plus qu’à sortir du royaume, ou, du moins, à faire en propriétés foncières de grandes acquisitions que les bouleversemens financiers et les simples révolutions politiques ne leur puissent point enlever. Il n’est pas jusqu’au ministre des finances qui ne désespère de la situation actuelle. Ne parlez plus à M. le baron de Tojal des ressources du crédit, dont il a tant abusé ; M. de Tojal a cessé d’y avoir la moindre confiance. A la vérité, M. de Tojal n’y croyait guère que depuis l’époque où M. da Costa-Cabral lui a confié le portefeuille des finances. Avant 1842, il a fait partie d’un cabinet septembriste. Ce cabinet avait si peu de foi dans le crédit, qu’il se dispensait même de payer les intérêts de la dette étrangère, ce qui, pour le dire en passant, était bien aussi un abus. On le voit donc, en 1845, M. de Tojal n’aura eu d’autre peine que de revenir à ses opinions de 1838.

Que ces opinions, du reste, soient ou non anciennes chez M. de Tojal, peu importe ; plaise à Dieu seulement que M. de Tojal y persiste ! plaise à Dieu qu’il les puisse fortement persuader à M. da Costa-Cabral et à ses collègues ! Puissent-ils, les uns et les autres, ne plus songer à demander quelques instans de répit illusoire à ces mirages trompeurs du crédit, qui, en s’évanouissant, ne leur ont jusqu’ici laissé qu’une épuisante lassitude et d’amers découragemens ! A quoi sert de grouper les chiffres, de recourir à tous les artifices de la statistique, pour dresser, comme cette année même, d’ambitieux budgets.qui, à la moindre objection, à la plus légère critique, s’écroulent à la fois par la base et par le couronnement ? Comment donner le change à tout un peuple qui, vous montrant ses souffrances, vous supplie, sinon d’y appliquer un complet remède, au moins de ne les point aggraver ? C’est dans le sol que réside, en Portugal, le germe de la richesse publique : c’est à l’agriculture, à l’industrie, au commerce, qu’il appartient de l’y féconder. Pour l’industrie et l’agriculture, M. da Costa-Cabral n’a rien fait encore. Le seul commerce pourrait prochainement rétablir l’équilibre entre les revenus et les dépenses, et par conséquent assurer l’indépendance du royaume. M. da Costa-Cabral n’a pourtant rien fait non plus pour le commerce : on n’en aura que trop la preuve par l’exact tableau que nous allons dresser des relations qui maintenant subsistent entre le Portugal et les autres nations. Nous voici enfin en demeure de remonter