Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 9.djvu/651

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

erreurs et des passions du passé. C’est parce qu’il est rarement donné à des principes de se développer en dehors de toute influence étrangère à eux-mêmes qu’il faut se garder de les juger en les isolant du milieu qui les transforme et les modifie.

A l’époque où Catherine se trouva chargée du poids de cette couronne, trop lourde pour la tête mourante de François II, la cour avait trop d’intérêts particuliers à ménager pour concevoir quelque chose qui ressemblât à une politique nationale. D’un côté s’élevaient les princes lorrains, puissans par leur origine carlovingienne, leurs alliances royales et les grands gouvernemens dont ils étaient revêtus. Le duc de Guise avait sauvé la France en défendant Metz contre les forces impériales, et consommé l’œuvre de Duguesclin en arborant la bannière fleurdelisée sur les remparts de Calais. Le cardinal de Lorraine, l’une des lumières de l’église, n’était pas moins puissant par sa doctrine au concile de Trente que par son habileté et son esprit de décision au sein du cabinet. Insatiables de grandeur et d’influence, les Guise s’étaient approprié la grande maîtrise de la maison du roi, au préjudice du vieux connétable de Montmorency, et avaient enlevé à la maison de Châtillon et à ses créatures des gouvernemens de province et des commandemens de place que celle-ci entendait reprendre. Cette puissante maison, étroitement liée par le sang à celle du connétable, était alors représentée par trois frères, dont l’un commandait l’infanterie de la France, dont l’autre portait le titre d’amiral de ses flottes, dont le troisième, élevé à la plus haute dignité de l’église, donna le scandale d’un mariage et d’une apostasie, et contribua, par une activité infatigable, à réunir pour jamais les intérêts de la réforme et ceux de sa famille.

Bientôt une autre maison, dont la haute origine faisait ressortir davantage la position besogneuse, vint agiter pour son propre compte le théâtre où grandissaient chaque jour aux dépens de l’autorité royale les deux factions de Lorraine et de Châtillon. Les princes de la branche de Bourbon parurent à la cour de François II, portant encore le poids d’impopularité qui s’attachait au nom du connétable, ce grand ennemi de la France. Antoine de Bourbon, son chef, avait trouvé, par son mariage avec l’héritière nominale du royaume de Navarre, une fortune que la pauvreté de sa maison lui faisait estimer encore plus douce ; il n’aspirait guère qu’à la conserver en se dérobant aux agitations qui bouleversèrent sa vie quelques efforts qu’il fit pour leur échapper, au prix de sa dignité, pour ne pas dire de son honneur ; mais le prince de Condé, son frère, dont un mariage royal