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de cour qui se disputaient le gouvernement. Le prince de Condé et les Châtillon, qui avaient associé leurs efforts pour supplanter les Guise, vers lesquels inclinaient toutes les préférences de François II let de Marie Stuart, leur nièce, profitèrent avec une habileté peu commune de tous les incidens d’une lutte soutenue en commun pour identifier les destinées du protestantisme avec celles de leur propre parti. Ils y avaient déjà rallié la plus grande portion de la noblesse provinciale : cette association scella l’union de plus en plus intime de l’aristocratie et de la réforme, du moins dans le midi du royaume.

Au début de la lutte, les ambitions de cour parurent au premier plan de la scène, et les religionnaires restèrent encore relégués sur le second. Tel fut le caractère de la ténébreuse conspiration d’Amboise, exécutée par des instrumens ignorans de l’œuvre pour laquelle ils étaient convoqués. Mais les passions fortes et les convictions sérieuses reprirent promptement dans ce conflit la suprématie qui leur appartient toujours, et la mesquine rivalité des Châtillon et des Guise fut bientôt élevée à toute la hauteur d’une guerre de religion. Dès l’avènement de Charles IX, une immense question avait surgi, celle de savoir quelle place il convenait de faire dans la constitution du royaume très chrétien aux novateurs qui, déplaçant la base de cette constitution elle-même, se séparaient de l’unité religieuse et menaçaient de briser l’unité politique.

Cette question était assurément la plus grave et la plus délicate qui pût alors être agitée, car l’admission des hérétiques à la jouissance du droit commun et à l’égalité civile était une chose jusqu’alors sans exemple au sein de l’Europe chrétienne. Dans la ferme croyance du temps, il n’était pas moins nécessaire d’être fils de l’église que d’être régnicole pour faire partie de la grande société française. Abjurer la foi commune, c’était répudier la patrie même. Les peuples vivaient par une seule pensée, autour de laquelle ils avaient enlacé leur avenir comme leur passé. Cesser d’être catholique, c’était se séparer de l’histoire et de la constitution du pays telle que les siècles l’avaient faite ; déserter la vieille cathédrale des aïeux pour le temple construit d’hier était un acte aussi énorme que le serait dans nos idées modernes l’abandon du drapeau, symbole visible de la nationalité. Dans une contrée où les parlemens appliquaient les décisions des conciles, où les deux puissances distinctes en principe étaient toujours confondues dans leur action par les légistes et par les peuples, l’hérésie était une rébellion contre l’état même. Les édits contre les religionnaires étaient les lois de septembre du XVI siècle. Comment n’eût-il pas paru tout