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l’enceinte de la cité fortifiée, s’inquiétaient fort peu des belles harangues de M. le chancelier aux états d’Orléans ou à l’assemblée de Saint-Germain. Le plus grand nombre des bonnes villes avaient entrevu dans la réforme une menace contre les droits que leur avait légués un passé encore plein de sève ; elles la repoussaient comme un attentat aux douces croyances et aux pompeuses cérémonies qui constituaient alors la poésie même de l’existence. En voyant le protestantisme appuyé sur l’aristocratie territoriale marcher à la conquête religieuse et politique de l’Europe dans toute la ferveur de son prosélytisme, la bourgeoisie française, celle de Paris en particulier, comprit d’instinct qu’il fallait ou renoncer à sa foi, ou combattre à outrance pour rester maîtresse du terrain ; elle prit noblement ce dernier parti, et sut le poursuivre jusqu’au bout. En fermant l’accès du trône à Henri IV jusqu’à son abjuration, elle sauva le catholicisme en France ; mais ce fut pour périr elle-même à l’œuvre, successivement dépouillée de tous les élémens qui avaient fait sa force, effacée pendant deux siècles de la scène politique où elle ne devait plus reparaître qu’au jour d’une réaction terrible.

Catherine de Médicis, dont le cœur ne palpita que pour le pouvoir, s’il battit jamais pour quelque chose, voyait avec la plus complète indifférence la lutte dogmatique ouverte entre les docteurs des deux religions, lutte dont elle avait espéré d’abord tirer quelque parti dans l’intérêt de sa puissance. Obsédée par une idée fixe, tout entière à l’espoir d’établir l’ascendant de la royauté entre les deux factions qui se disputaient l’exploitation du royaume, la régente consuma sa vie en efforts non moins furieux qu’impuissans pour atteindre un résultat impossible. On la vit d’abord se lier aux Châtillon et repousser les Guise, parce que, le parti protestant étant plus faible que le parti catholique, elle crut qu’il serait plus facile de le dominer ; mais les Guise, ayant promptement pénétré la pensée de Catherine, opposèrent à la déférence systématique des réformés une ardeur non moins systématique et non moins efficace. Ne pouvant se faire agréer de la reine, ils résolurent de la faire trembler, et la sommèrent de choisir entre eux et leurs ennemis. La régente subit alors la pire condition pour les ambitieux, celle de servir d’auxiliaires dans leur propre parti, au lieu d’en être l’ame.

Le duc de Guise s’étant entendu avec le duc de Montmorency et le maréchal de Saint-André, on vit s’élever le triumvirat fameux dont l’accord rendit vains tous les efforts de Catherine pour ressaisir le pouvoir. Pendant douze ans, cette femme étrangère à toutes les émotions