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poursuivait à la fois avec une ardeur fébrile la pensée du plaisir et celle de la gloire. Le plaisir, comment le goûter dans toute sa plénitude en vivant entouré d’une muraille de hallebardes ? La gloire, comment l’atteindre en combattant contre des Français ?

Cette triste gloire des guerres civiles, la politique de sa mère la lui avait même dérobée ; c’était au duc d’Anjou, son frère, qu’il avait été donné de cueillir les lauriers de Jarnac et de Moncontour. Cependant une occasion propice semblait s’offrir à son empressement, et une brillante carrière pouvait s’ouvrir devant sa jeunesse inutile. Les Pays-Bas échappaient alors à l’Espagne, et les insurgés suppliaient la cour de France d’en accepter la souveraineté en échange de son concours. Charles IX embrassait avec un empressement égal cette double perspective de guerre étrangère et d’émancipation filiale. Coligny, habile à cacher la souplesse d’un courtisan consommé sous le grave appareil du sectaire, entretenait constamment le jeune monarque d’un dessein dont celui-ci aimait à entendre exposer l’exécution facile et la portée incalculable. Le vieux chef des réformés commençait à devenir ainsi singulièrement agréable au roi. Son beau-frère de Béarn et le jeune prince de Condé ne lui advenaient pas moins. Une sorte de révolution paraissait donc sur le point de s’opérer dans cet esprit non moins violent que mobile. Les mémoires contemporains attestent que Catherine s’en alarma souvent, et c’est énoncer un fait sinon certain, du moins très probable, que d’attribuer en partie la résolution du 24 août au désir d’élever une barrière éternelle entre le roi et les chefs calvinistes, vers lequel commençaient à incliner ses sympathies.

On a souvent accusé la reine-mère d’avoir préparé par deux années de machinations le crime de la Saint-Barthélemy ; on a prétendu associer un roi de vingt-trois ans à l’horrible préméditation de ce massacre c’est avoir réussi à calomnier même Catherine. Le mariage du jeune roi de Navarre avec Marguerite de Valois ne fut point un guet-apens préparé pour attirer à la cour, par l’éclat d’une telle solennité, la noblesse huguenote. L’amitié de Charles pour son beau-frère, sa bienveillance pour Coligny, étaient sincères, et le ciel n’a pas permis que la couronne de France reposât jamais sur la tête d’un monstre qui aurait reculé à ce point la limite du crime. Les témoignages contemporains, et en particulier celui de la reine Marguerite[1], constatent que le roi demeura jusqu’au dernier moment étranger au complot tramé quelques jours seulement avant son exécution par sa mère et

  1. Mémoires de Marguerite de Valois, liv. 1er, année 1572.