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journée si fatale aux religionnaires[1]. Sitôt que la paix fut faite, il se retira dans son gouvernement de Guyenne, et vécut surtout dans ses domaines héréditaires du Béarn, où il allait poursuivant les daims sur les rochers et les jeunes filles dans les vallées, entremêlant ses volages amours de la lecture des Vies de Plutarque, que Jacques Amyot venait de traduire pour l’usage des jeunes seigneurs.

Ce fut au sein de cette vie provinciale et de ces plaisirs faciles que la politique de Catherine vint chercher le prince de Béarn pour l’unir à sa fille. Celui-ci n’accepta pas sans regret cette vie si nouvelle et si contrainte. Il parut à la cour réservé et un peu timide. Les noces vermeilles étaient à peine terminées, que la nuit de la Saint-Barthélemy vint arracher au roi de Navarre tous ses amis, et l’isoler dans une cour au milieu de laquelle il n’était plus qu’un otage et un prisonnier. Ce prince ploya sans trop d’efforts sous le poids des circonstances, et crut pouvoir pactiser avec la force. De tous les sacrifices, imposés comme conditions de son salut, il faut bien reconnaître que l’abandon de sa religion fut celui qui parut le moins lui coûter. Entre la messe et la Bastille, il choisit volontiers la messe, et donna sur ce point au roi son beau-frère les plus complètes satisfactions.

Sans méconnaître la contrainte qui pouvait alors peser sur lui, il est curieux de retrouver dans les importantes archives de sa vie, si heureusement mises en lumière, ses diverses lettres au pape, au cardinal de Ferrare, au doyen du sacré collége[2], et de suivre les détails de la mission de M. de Duras, envoyé par le roi de Navarre vers Grégoire XIII, pour lui porter l’assurance de sa respectueuse et filiale soumission. C’est avec des exhortations qui semblent de tout point sincères, qu’il invite ses amis « à, se ranger, à son exemple, à la forme de vivre que le roi désire pour la réunion de ses subjects en son obéissance[3]. »

Si les actes publics du roi de Navarre étaient fort surveillés dans cette cour, les penchans de l’homme privé n’y étaient aucunement contrariés. Les filles d’honneur de Catherine de Médicis étaient d’une facilité proverbiale, et Marguerite de Valois n’avait pas acquis le droit d’être jalouse. Pris aux filets de Mme de Sauve, la grande coquette de son siècle, Henri s’inquiétait moins des sévérités de la fortune

  1. Bury, Histoire de la vie de Henri IV, t. Ier
  2. Recueil des lettres-missives de Henri IV, par M. Berger de Xivrey, publié par ordre de M. le ministre de l’instruction publique. (Tome Ier, lettres du prince de Navarre.)
  3. Lettre à l’amiral de Villars, 22 octobre 1572.